La réduction du temps de travail:

faisabilité et structure du marché de l'emploi

 

 

David de la Croix

 

 

Depuis le début du siècle, le temps de travail diminue en moyenne de un pourcent par an dans les pays industrialisés. Cette réduction séculaire permet d'absorber un tiers du progrès technique sous forme de "temps retrouvé", et donc d'amélioration de la qualité de la vie. A partir du moment où les acteurs économiques ont pris conscience du caractère structurel et relativement permanent de la hausse du taux de chômage (voir annexe statistique), des propositions d'accélération de la diminution du temps de travail ont émergé. Ces propositions sont en général assorties de calculs comptables visa nt à montrer la faisabilité de la mesure. Dans cette note, tentons de dépasser les calculs purement comptables fait sous l'hypothèse "toutes autres choses égales par ailleurs" en prenant en compte le comportement stratégique des acteurs sociaux. Nous analysons dans un premier temps les raisons pour lesquelles les propositions de réduction massive et impérative du temps de travail n'ont pas été suivie jusqu'à présent. Dans un deuxième temps, nous établissons quelques liens entre le temps de travail et les caractéristiques du marché du travail en Belgique. Dans cette optique, nous formulons une série de propositions visant à combiner une diminution progressive et négociée du temps de travail avec une réduction des externalités liées à la structure institutionnelle du marché du travail.

 

I. La faisabilité d'une réduction massive et impérative du temps de travail

 

La problématique de la faisabilité d'une réduction massive et impérative du temps de travail se pose à deux niveaux: le premier, d'ordre technique, considère l'efficacité économique de la mesure; le deuxième, d'ordre politique, concerne la prise de décision elle-même.

 

I.1. Faisabilité économique

 

De nombreuses recherches théoriques et appliquées ont été menées pour évaluer l'effet d'une réduction du temps de travail sur le chômage. Le sentiment que les non-initiés peuvent tirer de ce genre d'étude est une impression de désordre et de contradiction. Aucune unanimité ne se dégage de cette littérature. La raison est bien sûr la diversité des hypothèses de base utilisées mais surtout la méconnaissance de l'importance quantitative d'une série de mécanismes qui réduisent les effets mécaniques d'une réduction du temps de travail. Brièvement, pour pouvoir évaluer l'effet d'une réduction du temps de travail, il faut trouver des réponses aux questions suivantes:

- Soucieux de protéger le niveau de vie de leurs membres, les syndicats seront désireux d'augmenter le salaire horaire pour compenser l'effet revenu de la diminution du temps de travail. Quelle sera cette compensation ?

- Soucieux de maintenir constant le niveau d'incitation de leurs salariés, les entreprises seront aussi désireuses d'augmenter le salaire horaire, surtout des personnes qualifiées. Dans quelle mesure ?

- Les deux mécanismes décrit ci-dessus peuvent-ils être compensés par une réduction des taxes et des cotisations sociales ? (quelle marge de manoeuvre budgétaire ?).

- Il existe des coûts fixes par personne employée (coûts d'embauche et divers coûts non salariaux). Une réduction du temps de travail augmente ces coûts fixes et donc le coût du travail. Ces coûts fixes sont-ils importants quantitativement ?

- Dans quelle mesure la technologie des entreprises permet-elle de substituer de l'emploi par des heures supplémentaires ?

- Dans quelle mesure la technologie des entreprises permet-elle de substituer de l'emploi par un taux d'utilisation des équipements plus important ?

 

L'ignorance à laquelles nous sommes confrontés vis à vis des effets de moyen terme d'une réduction du temps de travail volontariste explique sans doute une bonne partie de la prudence dont font preuve les décideurs quant à ce type de politique.

 

I.2. Faisabilité politique

 

Supposons à présent qu'il soit clair, dans l'esprit des décideurs, qu'une réduction du temps de travail fasse baisser le chômage. Envisageons alors quelques éléments de faisabilité politique de la mesure.

 

Il existe de nombreux mécanismes par lesquels une situation de chômage de masse accroît le soutien politique pour des mesures précisément néfastes à l'emploi, empêchant dès lors l'économie de sortir de cette situation. Par exemple, en situation de crise, les entreprises de secteurs en déclin et leurs syndicats tentent d'accroître leurs subventions par un lobbying plus actif, alors qu'il faudrait, au contraire, mener une politique de redéploiement industriel volontariste. Dans le même ordre d'idées, un accroissement du chômage de masse et de la paupérisation semble pousser la classe moyenne à élire des gouvernements conservateurs qui vont réduire les budgets sociaux, aggravant dès lors la situation des classes sociales les moins favorisées.

 

La question politique repose éminemment sur la présence d'incitants économiques à coopérer. Le manque de soutient politique aux différentes propositions de lutte contre le chômage est liée au fait que toutes ces mesures requièrent inévitablement une importante redistribution des revenus. Il est en effet faux de croire que la réduction du chômage peut se réaliser à structure de revenus inchangée. C'est sans doute une raison importante pour laquelle il est si difficile de dégager une majorité en faveur de telle ou telle politique. Quelques canaux importants de redistribution sont les suivants:

 

a. Entre les travailleurs et les chômeurs.

Toutes les mesures faisant appel soit à une modération salariale directe soit à une réduction du temps de travail avec baisse de salaire impliquent une redistribution de revenus de ceux qui travaillent vers ceux qui trouveraient un travail grâce à ces mesures. En général, une baisse du temps de travail entraîne une contraction de l'échelle des salaires.

 

b. Entre différents secteurs de l'économie.

Si l'on finance une partie de la sécurité sociale sur base de taxes sur la valeur ajoutée des entreprises plutôt que sur leur masse salariale, comme cela a souvent été proposé, un transfert de ressources s'opère des secteurs ayant une technologie intensive en capital (électricité, ...) vers les secteurs ayant un technologie intensive en main d'oeuvre (textiles, construction ...). Dans le même ordre d'idée, une réduction du temps de travail sans réduction proportionelle des salaires défavorisera particulièrement les secteurs intensifs en main-d'oeuvre.

 

c. Entre les consommateurs et les chômeurs.

Dans les négociations relatives au commerce international, les consommateurs ont intérêt à promouvoir le libre échange pour pouvoir importer des produits à un coût moindre, tandis que les chômeurs et les travailleurs auraient plutôt intérêt à promouvoir le protectionnisme pour défendre l'emploi dans les industries nationales. Une réduction du temps de travail unilatérale requiert une politique d'accompagnement relativement protectionniste, défavorisant les consommateurs au profit des chômeurs qui retrouveraient un emploi.

 

d. Entre les rentiers et le reste de l'économie.

Les taux d'intérêts réels à long terme particulièrement élevés sont un frein considérable à la promotion de l'emploi. Une politique visant à promouvoir la création d'emplois de qualité a besoin d'une réduction de ces taux d'intérêts. Par ailleurs, des taux élevés bénéficient à ceux qui ont un avoir important sous forme mobilière. Réduire le chômage implique donc une redistribution des revenus des "rentiers" vers les autres agents de l'économie. Dans le cas de la réduction du temps de travail, de faibles taux d'intérêt sont nécessaires pour permettre aux ménages endettés d'accepter une baisse de leur revenu total.

 

Les politiques d'emploi requièrent donc une redistribution. Or, celle-ci est perçue comme un jeu à somme nulle, ce qui mène au blocage politique. Il faut que les agents perçoivent qu'à terme les effets totaux sont positifs et que beaucoup vont en bénéficier, de sorte qu'une majorité politique se dégage. Ce processus de blocage peut être invoqué pour expliquer le peu d'entrain face aux propositions de réduction du temps de travail. A court terme, les problèmes organisationnels sont nombreux et l'effet d'une telle réduction n'est pas nécessairement très importante. Si les agents se rendent mieux compte qu'à long terme le chômage coûte cher et qu'il impliquera tôt ou tard une redistribution importante entre les agents, peut-être seraient-ils alors d'accord de réduire le temps de travail dès à présent. L'allongement de l'horizon temporel des agents et la cohérence dynamique des politiques sont cruciaux pour accroître le soutien politique à la lutte contre le chômage.

 

II. Temps de travail et caractéristiques institutionnelles du marché du travail

 

Les caractéristiques institutionnelles liées à la structure du marché de l'emploi sont souvent considérées comme responsables de l'importance et de la persistance du chômage dans les pays européens. D'autre part, l'internationalisation croissante de nos économies et la réalisation d'une union économique ont fait perdre toute autonomie aux politiques monétaires et budgétaires, laissant à la seule politique des revenus le soin de résorber les déséquilibres internes et externes de l'économie. Pour ces raisons, le marché du travail et les politiques qui y sont associées sont au centre du débat macro-économique en Europe. Cette section a pour but de rappeler quelques effets pervers potentiels engendrés par les caractéristiques belges du marché du travail et d'analyser comment et sous quelles conditions une réduction du temps de travail pourrait amoindrir ces effets pervers.

 

II.1. La centralisation des négociations

 

De nombreuses études empiriques observent que les salaires négociés dans un secteur ou dans une entreprise dépendent positivement des salaires des autres entreprises et secteurs (voir un exemple en annexe statistique). La dépendance inter-sectorielle des salaires repose notamment sur le fait que les agents économiques ont une notion d'équité qui les poussent à comparer le salaire qu'il reçoivent avec les salaires payés par les autres firmes et secteurs. Concrètement, le fait que le salaire réclamé par les syndicats ou proposé par les entreprises dans un secteur donné est fonction de celui réclamé dans un autre engendre des situations inefficientes si ces interdépendances ne sont pas gérées de manière coopérative entre les agents. Symmétriquement, une sorte de concurrence entre firmes pour attirer le travailleurs qualifiés peut les pousser à des surenchères salariales importantes.

 

L’indexation automatique des salaires à l'indice des prix à la consommation, outre son objectif d'assurance contre la hausse inattendue du coût de la vie, peut se voir comme une manière concrète de préserver une certaine équité entre les travailleurs. Symmétriquement aux externalités du type équité/jalousie, l'indexation automatique crée automatiquement une interdépendance entre les agents: si un secteur décide une augmentation salariale, cela va vraisemblablement accroître le prix des produits de ce secteurs, augmentant dès lors l'indice des prix à la consommation et donc tous les autres salaires (pour autant qu'il s'agisse d'un secteur produisant certains biens consommés localement). Cet effet n'est jamais pris en compte au niveau d'un secteur, ce qui engendre le même type d'inefficience que celle décrite plus haut.

 

Dans la plupart des pays d'Europe, les négociations collectives ont une structure pyramidale constitutuée par l'articulation de différent niveaux de prise de décision (national, sectoriel, entreprises): La conséquence d'une telle structure emboîtée peut être la suivante: si le niveau centralisé (national), seul capable de prendre en compte les conséquences possibles des interdépendances salariales, n'est pas à même d'imposer des règles de conduite contraignantes à tous les acteurs négociant aux niveaux inférieurs, l'issue des négociations sera sous-optimale. Dans cette vision, une négociation au niveau des secteurs provoque inflation et chômage et se retourne finalement contre les ménages.

 

La réduction du temps de travail est souvent présentée comme un moyen efficace de réduire le chômage et aussi, d'améliorer la qualité de vie de la population. Les modalités d'une telle réduction sont toutefois particulièrement compliquées à mettre sur pied, tant les interactions avec les autres variables macroéconomiques sont complexes. La convergence européenne en matière de coûts interdit une réduction du travail à salaire par personne occupée fixe. Les ménages ne sont pas désireux de réduire leur temps de travail si leur salaire est amputé d'autant. La marge de manoeuvre budgétaire semble très limitée pour pouvoir subventionner les salaires de ceux qui acceptent une réduction du temps de travail. Dans l'optique de réduire au maximum les effets potentiellement néfastes de l’interdépendance des salaires et de l’indexation mentionnés plus haut, la réduction du temps de travail peut néanmoins s'avérer utile. Nous faisons la proposition suivante: Poursuivre le blocage des salaires par un barrage filtrant: négocier les salaires au niveau de centralisation le plus élevé possible (national), sans marge de manoeuvre possible aux niveaux inférieurs (secteurs et firmes). Négocier aux niveaux décentralisés des réduction du temps de travail au fur et à mesure des gains de productivité. Ceci devrait éliminer le problème des surenchères salariales entre secteurs et promouvoir l'emploi.

 

II.2. Le mode de financement de la sécurité sociale

 

En Belgique, comme dans la majorité des pays européens, le système de sécurité sociale est du type bismarckien, les fonds étant constitués essentiellement par les cotisations des employeurs et des travailleurs, et de manière subsidiaire, par des subvensions de l'Etat. Ce mode de financement sur base de la masse salariale peut engendre une externalité fiscale qui est particulièrement dommageable pour l’emploi. Si l'on suppose qu'à long-terme le système de sécurité sociale doit être en équilibre budgétaire, toute hausse du chômage se traduit par un accroissement des taux de contributions dès que la hausse du chômage est perçue comme permanente. Ceci a pour effet d'accroître le coût du travail relatif à celui du capital et donc d'engendrer une substitution capital/travail additionnelle (impliquant des investissements de rationalisation). La substitution capital/travail engendre de nouveaux chômeurs, surtout non qualifiés, induisant une nouvelle hausse des dépenses pour le système de sécurité sociale, une nouvelle hausse des taux de cotisation etc. Ce mécanisme d'accroissement des taux de contributions face à la hausse du chômage n'est pas prise en compte au moment où une firme licencie ou au moment où un syndicat demande une augmentation salariale. La firme néglige l'effet macro-économique de son acte sur le coût du travail et le syndicat sous estime l'effet sur l'emploi d'une hausse salariale, menant à une issue sous-optimale. Si la sécurité sociale était financée entièrement par des impôts (directs ou indirects) ces externalités ne disparaîtraient pas mais leurs conséquences porteraient moins sur le chômage et sur la substitution capital-travail. En effet tout financement alternatif aura ses inconvénients propres et (dé)favorisera plus ou moins l'un ou l'autre secteur de l'économie, mais le fait de priver à jamais une partie non qualifiée de la population d'un accès au marché du travail semble être un mal plus grave.

 

L'intérêt de réduire le plus possible les cotisations sociales pour les travailleurs non qualifiés, et les remplacer par des impôts indirects (accises, ...) est accru en présence d'une politique de réduction progressive du temps de travail, comme celle décrite plus haut. En effet, une réduction des cotisations permet de réduire l'incitant des entreprises à substituer aux heures de travail devenues plus chère une utilisation plus intensive des équipements ou, pire, un passage à une technologie moins gourmande en heures de travail.

 

II.3. L'encadrement macro-économique: la loi sur la compétitivité

 

A partir du moment où il est jugé indésirable et/ou impossible de modifier le mode de négociation et l'indexation automatique des salaires, une solution est d'"encadrer" ces mécanismes pour tenter d'en éliminer les caractères pernicieux tout en préservant leurs avantages (en terme d'autonomie des secteurs, de préservation du pouvoir d'achat, etc.). La loi sur la sauvegarde de la compétitivité et la politique monétaire restrictive sont les deux piliers de cet encadrement. Ils peuvent être vu comme des moyens indirects d'internaliser les externalités en provenance des structures institutionnelles. Ces deux piliers peuvent aussi s'avérer utiles pour encadrer une réduction du temps de travail, moyennant une modification précise des modalités de la loi sur la compétitivité.

 

L'existence de cette loi permet théoriquement au gouvernement d'intervenir d'autorité au cas où la compétitivité belge se détériore plus que celle de ses principaux concurrents. En pratique, on peut espérer que cette loi incite les partenaires sociaux à une modération salariale implicite; en effet l'arbitrage salaire-emploi auquel tout syndicat doit faire face est renforcé par la loi puisqu'elle revient à prendre en compte des effets macro-économiques: des augmentations du salaire horaire liées à une baisse trop rapide du temps de travail auront non seulement pour effet de réduire directement l'emploi dans le secteur en question mais aussi de faire perdre des parts de marchés à l'exportation, ce qui à terme, en vertu de l'équilibre extérieur à préserver, est destructeur d'emploi au niveau national. D’autre part, des augmentations salariales exagérées rendent plus probable une intervention du gouvernement dans les négociations, ce qui n'est pas souhaité par les partenaires sociaux.

 

Vu les indicateurs qu'elle utilise, la loi sur la compétitivité revient à n'autoriser que les augmentations salariales compatibles avec le maintien des parts de marchés à l'exportation. Elle définit ex post la marge de manoeuvre disponible puisque tout écart par rapport à cette marge pourra être sanctionné par la suite. D'un point de vue technique, on peut lui reprocher une sensibilité extrême aux fluctuations de change, la non prise en compte des gains de productivité dans l'analyse de la compétitivité et d'être basée sur une logique a posteriori. Dans l'optique de l'encadrement d'une réduction du temps de travail, on peut aussi regretter que cette loi sur la compétitivité ne considère que des salaires par personne employée et non des salaires horaires.

 

 

 

Il serait utile d'envisager une réorientation des indicateurs de la loi vers une promotion de l'emploi. Etant donné que la manifestation typique des inefficiences liées aux structures institutionelles belges est une part des salaires dans la valeur ajoutée trop "persistante", on pourrait légitimement utiliser un indicateur de part des salaires. En effet, l’évolution de la part salariale en Belgique montre un glissement important en 1975; bien pire, en l'absence d'un mécanisme correcteur, le haut niveau atteint en 1975 du fait des externalités salariales et de l'indexation persiste pendant presque dix ans. Cette très grande persistence est a la source de nombreuses pertes d’emploi.

 

L'intérêt de considérer la part des salaires dans la valeur ajoutée est multiple: En effet, ce nouvel indicateur prend en compte la compétivité intérieure et l'évolution de la productivité du travail, est peu sensible à la volatilité des taux de changes et permet un diagnostic plus précoce en remontant en amont, vers les causes des pertes de compétitivité et d'emploi. En outre, si le salaire horaire en venait à déraper suite à une réduction du temps de travail trop brusque, cela transparaitrait et permettrait une réaction rapide des autorités.

 

II.4. L'encadrement macro-économique: la politique monétaire

 

Bien avant les interventions directes du gouvernement dans la négociation salariale, la politique monétaire a encadré la négociation salariale, dans la mesure où la défense d'une monnaie forte est une manière d'imposer une certaine dose de rigueur aux interlocuteurs sociaux. Puisque rien ne contraint ces interlocuteurs sociaux à suivre les conseils de la Banque Nationale, une telle politique peut finalement s'avérer non crédible, surtout lorsque le coût de la monnaie forte en l'absence de rigueur salariale devient prohibitif (en termes de chômage et / ou de déficit extérieur). La Belgique de 1981/82 et la Suède de 1992 constituent de bons exemples de cette politique. A nouveau aujourd'hui, surtout depuis l'effondrement du système monétaire européen, le désir de maintenir une monnaie forte s'avère une manière d'effectuer une pression "morale" pour un accord salarial vertueux sur la plan macro-économique. Le maintient de cette politique lie le gouvernement à une approche de la réduction du temps travail qui préserve la convergence des coûts de production entre les différents pays de la CEE.

 

III. Conclusion

 

En conclusion, la prudence dont font preuve les décideurs quant à une réduction massive de la durée du temps de travail peut s'expliquer d'une part, par l'ignorance de l'importance quantitative des effets de moyen terme d'une telle politique, et d'autre part par l'impossiblité de dégager une majorité politique favorable, vu que cette mesure requiert inévitablement une importante redistribution des revenus.

 

Une alternative politique intéressante serait de coupler une réduction graduelle et négociée du temps de travail avec une série de mesures améliorant le fonctionnement du marché de l'emploi. Plus particulièrement la combinaison suivante nous semble attirante:

A. négocier les salaires au niveau de centralisation le plus élevé possible (national), sans marge de manoeuvre possible aux niveaux inférieurs (secteurs et firmes). Négocier aux niveaux décentralisés des réduction du temps de travail au fur et à mesure des gains de productivité.

B. Coupler la réduction progressive du temps de travail avec une réduction des cotisations sociales portant sur les travailleurs non-qualifiés. Ces deux mesures devraient engendrer des complémentarités intéressantes pour les employeurs.

C. Intégrer dans la loi sur la compétitivité un indicateur de part des salaires dans la valeur ajoutée, ce qui permettrait de mieux encadrer cette réduction du temps de travail, en vérifiant que le salaire horaire coût n'augmente pas trop vite par rapport à la productivité.