Les nombreuses dénonciations du mythe moderne d'un "Moi autonome et maître de son destin" pourraient laisser croire que la notion d'autonomie est irrémédiablement liée à l'illusion moderne du sujet et à la métaphysique qui en découle. Certes, une étude attentive de l'évolution du principe moderne d'autonomie, en particulier de l'Aufklärung à l'idéalisme allemand, révèle plusieurs apories inhérentes à cette perspective anthropocentrique. Cependant, ces apories sont indissociables d'une aporétique créée pour mieux cerner le principe en question. Pensées en lien avec la dérision du projet humain d'autonomie, ces apories indiquent l'effort de la raison pour mieux distinguer les limites de sa créativité et pour entrer dans une nouvelle dynamique de responsabilité à l'égard de la production sociale. On ne peut donc assimiler le principe moderne d'autonomie à l'utopie prométhéenne du progrès vers un Homme nouveau. La modernité est aussi bien caractérisable par sa découverte et sa mise en pratique de procédures d'auto-régulation sociale que par sa volonté de maintenir, face à la production de l'ordre social, un véritable contrôle démocratique. A l'origine de tous les déboires de notre monde technoscientifique, la modernité contient aussi les éléments nécessaires à un dépassement de l'ordre technocratique, ainsi d'ailleurs que la volonté d'un tel dépassement. |