Ouvrages publiés

L'anthropologie politique et religieuse de Schelling

Dans le destin de la philosophie schellingienne, le thème anthropologique tend à se fixer dans la critique du transcendantalisme des systèmes idéalistes. Loin d'être extérieure à la nature, la raison naît de son passé inconscient (Naturphilosophie) et continue de se structurer en référence à ce fond sauvage, puisant, dans l'exubérance de son appartenance naturelle, la force nécessaire à sa volonté pour élever l'entendement à la création d'un véritable art de vivre, d'une culture authentique. Ce thème, entièrement formulé dès 1810, sera le principe d'une transformation radicale de la pensée schellingienne pour traduire, dans les conditions éthico-politiques de son époque, le sens positif de son anthropologie rationnelle. L'anthropologie moderne, en effet, est dominée par l'éthique de la responsabilité de l'individu-citoyen et par l'éthique de conviction de l'âme pieuse. Philosophie de la liberté, l'anthropologie rationnelle doit être repensée comme une anthropologie de l'action capable de situer l'existence civile et religieuse dans la lutte pour l'institution collective de la liberté.

Philosophie et révélation dans l'itinéraire de Schelling

De 1794 à 1853, la philosophie de Schelling va jouer un rôle important dans les grands débats de la pensée allemande suscités par l'Aufklärung, le Sturm und Drang, le romantisme et l'idéalisme post-kantien. Disciple de Kant et de Fichte, ami de Hegel et de Hölderlin, puis professeur de Kierkegaard et de Engels, Schelling a tenté d'explorer toutes les voies offertes à la rationalité de son temps: celles des nouvelles sciences de la nature (biologie et chimie), celles de l'art et de la poésie nouvelle, celles du transcendantalisme systématique et celles de l'histoire des religions et des mythes alors en pleine révolution. Mais dans cette variété, Schelling garde aussi une ligne directrice, d'ordre métaphysique, celle qui tente de mettre en perspective la liberté humaine avec ses aspirations et l'ordre des choses, le monde, moins comme nécessité extérieure que comme mise à disposition de soi, comme donation originaire, comme pouvoir-être. L'existence, selon Schelling, porte non au dualisme de la nature et de l'esprit, mais à l'étonnement devant l'événement de l'être qui confie la liberté à soi-même, un étonnement qui devrait aussi guider notre intelligence de l'histoire humaine, pour saisir, à même le cours du temps, la faveur d'une présence qui permet à toute vie de renaître et de continuer. Au sortir de la modernité, la religion semble à Schelling porteuse d'un sens de l'être qui ramène la volonté à sa source, la Vie infinie.

Jalons pour une nouvelle éthique

On assiste aujourd'hui à une inflation du discours éthique suscitée notamment par l'évolution des technologies biomédicales ainsi que par la conscience nouvelle des impacts sociaux et écologiques des techniques en général. Le désir et la nécessité d'élaborer une nouvelle pratique de l'éthique relancent la question philosophique des fondements de l'éthique, lorsqu'elle concerne directement l'exercice collectif de la responsabilité. Dans les cadres culturels et géopolitiques du monde contemporain, l'exigence occidentale d'une meilleure qualité de vie suppose qu'on s'interroge sur ses conditions socio-politiques de réalisation et qu'on évalue sa pertinence au niveau de l'avenir des populations déshéritées et de leur droit à participer à la construction d'un monde commun. De la philosophie de la libération à la théologie de l'inculturation, on essaiera de relever les grands défis d'une pensée de l'action orientée vers l'application de l'éthique pour la promotion des peuples.

Le principe d'autonomie, Introduction aux auteurs modernes

Les nombreuses dénonciations du mythe moderne d'un "Moi autonome et maître de son destin" pourraient laisser croire que la notion d'autonomie est irrémédiablement liée à l'illusion moderne du sujet et à la métaphysique qui en découle. Certes, une étude attentive de l'évolution du principe moderne d'autonomie, en particulier de l'Aufklärung à l'idéalisme allemand, révèle plusieurs apories inhérentes à cette perspective anthropocentrique. Cependant, ces apories sont indissociables d'une aporétique créée pour mieux cerner le principe en question. Pensées en lien avec la dérision du projet humain d'autonomie, ces apories indiquent l'effort de la raison pour mieux distinguer les limites de sa créativité et pour entrer dans une nouvelle dynamique de responsabilité à l'égard de la production sociale. On ne peut donc assimiler le principe moderne d'autonomie à l'utopie prométhéenne du progrès vers un Homme nouveau. La modernité est aussi bien caractérisable par sa découverte et sa mise en pratique de procédures d'auto-régulation sociale que par sa volonté de maintenir, face à la production de l'ordre social, un véritable contrôle démocratique. A l'origine de tous les déboires de notre monde technoscientifique, la modernité contient aussi les éléments nécessaires à un dépassement de l'ordre technocratique, ainsi d'ailleurs que la volonté d'un tel dépassement.

Droit et création sociale chez Fichte, Une philosophie moderne de l'action politique

Les développements récents de la théorie du Droit et l'impact de cette discipline en philosophie politique aujourd'hui ont suscité un regain d'intérêt pour les thèses de Fichte dans ce domaine où il a joué un rôle incontestable de précurseur. Faut-il pour autant soutenir une lecture sélective de cet auteur et quitter sa réflexion politique dès qu'il s'engage sur les voies plus scabreuses du nationalisme et de la mystique de l'action? Cet ouvrage voudrait prouver que la lecture sélective de Fichte manque un versant essentiel de sa théorie politique, un versant qu'il considérait lui-même comme complémentaire de celui du droit, le versant de l'éthique du destin collectif et de la création culturelle d'un art de vivre en commun. Un fil conducteur privilégié pour ressaisir l'unité du propos fichtéen sur la politique est offert par les traités dits de "philosophie populaire" qui permettent de cerner le rôle primordial donné à l'éducation politique vis-à-vis de l'effectuation de l'Etat de droit précisément considéré comme la base d'une communauté d'éducation mutuelle par les "exposés scientifiques" du Système. A travers ces réflexions se détache également la mission sociale du savant telle que Fichte a tenté de la vivre par son engagement intellectuel.

Religion et identité culturelle chez Fichte

Tout en donnant une place privilégiée aux exposés de philosophie populaire et au débat avec la philosophie de Schelling, cet ouvrage propose une interprétation des rapports entre religion et identité culturelle chez Fichte qui se maintient à égale distance des interprétations républicanistes et conservatrices de l'auteur. La thèse centrale peut se décomposer en deux temps: premièrement, le concept de religion chez Fichte doit être reconstruit dans la totalité de son trajet spéculatif, si l'on veut pouvoir en déterminer la signification politique; deuxièmement, le même mouvement d'ensemble doit être accompli au plan du jugement politique, si l'on veut effectivement s'approprier les tentatives de dépassement du nationalisme et du pangermanisme qui mobilisent constamment la perspective cosmopolitique de Fichte. Seule cette exigence interprétative permet de cerner l'actualité d'une philosophie politique capable d'envisager l'Etat post-conventionnel comme une communauté de paroles et de destins pour des jeux de langage multiples.

Normes et contextes. Les fondements d'une pragmatique contextuelle

Normes et contextes est un ouvrage d'épistémologie de l'éthique dont la question fondamentale est de savoir ce que font les normes lorsqu'elles suivent la trajectoire de leur application. La réponse se décompose en trois temps. Premièrement, les normes ne sont pas purement et simplement absorbées par des contextes constitués de présuppositions sémantiques et de schèmes incorporés. Deuxièmement, l'application des normes met en évidence un arrière-plan réactif qui conditionne leurs performances et limite leur pouvoir d'anticipation. Troisièmement, produire une norme, c'est construire un type d'application rendant possible la recomposition d'une forme de vie. Par ces trois temps, l'ouvrage se propose de fonder une "pragmatique contextuelle" capable de dépasser, en particulier, les modèles de contextualisation mobilisés tant par les éthiques de le la communication que par les sociologies du sens pratique et de la traduction.

Toward a Theory of Governance. The Action of Norms

Jacques Lenoble and Marc Maesschalck

For more than a century Western democracies have struggled to keep faith with both economic efficiency and social justice. Yet reconciliation of these factors remains as baffling as ever. Among the many voices clamoring today for a theory of collective action, we hear most often of the great chasm between "legitimacy" and "efficiency". It is the contention of the authors of this ground-breaking book that these antinomies can be seen as distinct "moments of application" in the operation of normative judgement, and that a reflexive treatment of norms of collective action, by clarifying limitations in rules and beliefs, allows us to develop mechanisms to correct the limiting effects of such judgements and act accordingly. Drawing on and developing recent trends in the social sciences, The Action of Norms presents a powerful new theory of governance with far-reaching implications for the future of law, the judiciary, and justice itself. Among the contributing modern ideas that are explained and developed as pillars of the authors' thesis are the following:

  • critiques of the "political theory of interest groups";
  • the economic theory of efficiency;
  • deliberative democracy;
  • rational choice theory;
  • the evolutionist debate;
  • learning process theory; and
  • the theory of risk.
Lenoble and Maesschalck achieve a remarkable synthesis of relevant thought about forms of social organization - from Kant and Fichte through Hayek, Rawls, and Habermas to current theory - and place it at the service of a new and effective theory of the norm that promises to greatly elucidate the role of law and legal practice in the continuing development of democratic institutions.

Transition politique en Haïti. Radiographie du pouvoir Lavalas

A la poussée libératrice de 1986 a succédé en Haïti une forme d'enlisement du processus de transition politique marquée par le retour de la corruption et de la violence. Le régime populiste porté au pouvoir par le candidat Aristide a perdu son crédit et apparaît de plus en plus sous un jour nouveau: occupant l'espace politique sans perspective réelle de gouvernement, il reproduit les anciens mécanismes totalitaires d'appropriation de l'appareil d'Etat et de clientélisation de la population. Ce nouveau régime bénéficie du vide idéologique ambiant et prolonge la crise du pays au lieu de mobiliser les énergies positives. C'est pourquoi il a semblé urgent à L'Institut Karl Lévêque ( ICKL) de contribuer, par un ouvrage de fond, à un bilan de la retrace les éléments majeurs de la dérive du pouvoir Lavalas en quatre parties: sa généalogie, son impacte sur le secteur populaire et les institutions démocratiques, son idéologie et sa configuration comme système de pouvoir répressif.

Fichte, La philosophie de la maturité (1804-1814)

Jean-Christophe Goddard et Marc Maesschalck

L'intérêt de la recherche internationale pour la dernière philosophie de Fichte n'a cessé de croître. C'est dans cette dynamique de découverte et d'enrichissement que s'inscrit le présent volume, qui non seulement offre une interprétation originale des principaux moments spéculatifs et systématiques de la dernière période (les exposés de la Doctrine de la science de 1804, 1810, 1811, 1812 et 1813), mais exploite également les textes des tout derniers manuscrits (1814) du journal philosophique de Fichte encore inédits (le Diarium).
Dans une première partie ont été rassemblés les articles traitant des questions fondamentales de la période de Berlin : le rapport de l'ontologie et du transcendantalisme, de l'absolu et du phénomène, l'essence de la manifestation, la doctrine de l'image, la théorie de la réflexivité. Une seconde partie éclaire trois des grands aspects de la philosophie appliquée de Fichte dans cette même période : la théorie de la religion, de l'Etat et de l'éducation. Enfin, une troisième partie rassemble les textes qui articulent et confrontent la démarche spéculative et phénoménologique du dernier Fichte aux traditions philosophiques contemporaines que sont l'hégélianisme, le perspectivisme nietzschéen, la phénoménologie husserlienne, le cognitivisme.
Ont collaboré à ce volume : A. Bertinetto, E. Cattin, T. Dedeurwaerdere, J.-C. Goddard, M. Ivaldo, V. Kokoszka, B. Mabille, M. Maesschalck, M. Marcuzzi, Cl. Piché, G. Rametta, A. Schnell, I. Thomas-Fogiel, G. Zöller, J.-M. Vaysse

L'analyse politique : Idéologie et mentalité sociale

Ernst Jouthe
Karl Lévêque
Marc Maesschalck

Dans l'itinéraire intellectuel et politique de Karl Lévêque, deux problème sont resté intimement liés: celui de la "réduction idéologique de la réalité humaine", avec les aliénations qu'elle engendre, et celui de la mentalité sociale où se réalise "le cheminement vers le prise de conscience politique", "la prise de conscience collective qu'un changement s'impose". En effet, face aux idéologies capables de mystifier une population entière se pose la croyance de la population en un "pouvoir - être - autrement", croyance qui dépend à son tour d'une expérience permettant d'imaginer que la réalité peut se donner autrement. Karl est ainsi resté tout proche de l'intuition du développement sociale qu'il avait repérée dans sa thèse de philosophie et qui lui semblait alors caractériser une forme de rationalité particulière, différent de la raison calculatrice, axée sur l'imaginaire, sur une faculté d'anticipation, sur une sorte de foi même dans la possibilité d'un mieux être. On lit dans sa thèse, en effet, que "s'élever au-dessus de la réalité immédiatement sentie et perçue, la dominer et en imaginer une autre qui ne serait pas pas donnée de la même manière", "est à la fois un signe et une des conditions du développement de la vie mentale dans la sociétés humaines". Le "pas décisif" a été franchi du jour où l'homme a pu imaginer "que les choses puissent être autrement".

"Travail pour tous". Démagogie ou réalisme ?

Aux questions cruciales du travail et du chômage, du plein emploi et de l'exclusion, de la compétitivité et de la justice sociale, on apporte souvent des réponses prometteuses dont la durée de vie semble en réalité éphémère. Peut-être pourrait-on tenter une autre voie pour sortir des slogans et prendre le risque d'une recherche collective sur des choix de société? N'y a-t-il pas en effet, au-delà des batailles entre "dispositifs-miracles", une question éthique qui se pose quant à la capacité collective d'exercer une responsabilité face au modèle de croissance basé sur la libre spéculation et le gaspillage des ressources mondiales par une minorité nantie?

Pour une éthique des convictions. Religion et rationalisation du monde vécu

L'éthique contemporaine, qu'elle soit d'inspiration kantienne ou pragmatique, adopte une attitude ambivalente à l'égard des convictions. Tantôt, elle considère celles-ci comme de simples opinions sur la vie bonne dont le particularisme culturel risque de conduire à l'exclusivisme s'il n'est pas soumis aux exigences de la justification pluraliste et consensuelle. Tantôt, elle restreint la notion de conviction au point de n'y reconnaître que la garantie subjective d'une sincérité dans l'engagement moral. La conviction devient alors la formule de la raison pratique sans contenu sémantique particulier susceptible d'orienter l'engagement concret des sujets. C'est donc sur le plan sémantique qu'il est d'abord nécessaire de réintégrer le rapport entre éthique et convictions (Ière partie), si l'on veut ensuite élucider de manière positive le rôle des contenus de conviction dans le processus historique concret de l'engagement moral (IIème partie).

Raison et pouvoir. Les impasses de la pensée politique postmoderne

Aux idéologies de lutte et de transformation sociales ont succédé sur l'avant-scène de la philosophie politique occidentale les pensées positives du droit et de la communication, axées sur les problèmes de régulation et d'intégration sociales. Ce phénomène, qui s'accompagne d'une critique radicale des philosophies modernes du pouvoir et de l'État, est pourtant marqué aussi par un embarras devant la persistance des questions collectives liées à la formation de véritables complexes répressifs postmodernes, tel celui de l'autolégitimation médiatique des grandes instances de régulation sociale (l'État et l'économie). Il semble même que l'occultation de ces questions en lien à la violence sociale et à l'aliénation manifeste plutôt un effacement du thème politique dans la pensée d'aujourd'hui au profit d'une pragmatique générale articulée à une phénoménologie du monde vécu. L'éviction des thèses marxiennes est symptomatique à cet égard. Après avoir pris la mesure de ces impasses, l'auteur tente de renouer avec une pensée de l'action sociale capable de prendre en compte le défi politique que représente l'exercice collectif de la responsabilité, jusqu'en son enracinement dans la genèse singulière de l'engagement personnel pour habiter et préserver un monde commun.