Féminisme (s), une éthique de la
sollicitude ?
Exemple
d’une éthique antithéorique
La bioéthique féministe
semble contraster avec le courant principaliste qui a initié le mouvement
bioéthique …lorsque l’on parle de bioéthique feministe dans la litterature
spécialisée l’on fait essentiellement allusion à " l’éthique de la
sollicitude " largement enseigné auprès des soignantes. Je voudrais dans
cette intervention élargir le champ de définition de l’éthique féministes à ce
que nous appelons les études genres. Par étude genre j’entends nommer une
approche qui ne se baserait pas sur la seule sexualité biologique
(hylemorphisme)mais sur une approche de la représentation sociale des sexes,
avec le postulat que la fonction reproductrice (nature) ne doit pas constituer
un handicap social pour le s femmes car l’on a coutume d’associer fonction
reproductrice et destin des femmes. Le paradoxe sur lequel je m’attarderais
dans la deuxième partie de mon exposé est que plus ces techniques sont
naturalisées et deviennent des techno-nature, plus certaines femmes en
deviennent consommatrices,et la reproduction dite naturelle qui avaient fait
leur force symbolique devient historiquement insignifiante car moins
performante moins precise moins fiable en termes de savoir et de pouvoir, ce
qui remet en question les droits acquis sur la reproduction dans les années 8O
ainsi que leur pouvoir hylémorphyque d’individuation
Nous voyons comment la
question de la bioéthique féministe nous permet d’aborder de manière amplifiée
la question du rapport nature-culture, nature technologie qui est un centre
impensée du discours de l’éthique appliqué et est relégué au discours plus
théorique du biopolitique ou de la philosophie de la technique qui reste
marginal au discours biomédical.
J’en appelle donc à une
lecture genre qui a supplanté le terme sexe lorsque l’on parle des rôles
sociaux joués par les hommes et les femmes.
L’éthique
de la sollicitude, ou de l’éthique des femmes à une éthique féministe
Pourquoi la bioéthique
s’est-elle orientée ces dernières années vers l’éthique féministe ?. La
spécificité des études genre consiste à ne pas soumettre la signification
sociale aux faits biologiques. Si nous insistons aujourd’hui sur les questions
du droit reproductif des femmes il serait une erreur d’associer féminisme et
bioéthique à cette branche spécifique de la bioéthique. Le travail des
féministes en bioéthique va de l’euthanasie au sida en passant par l’éthique de
la recherche. Nous nous concentrerons aujourd’hui sur l’éthique reproductive
pour mettre en question un postulat bioéthique selon lequel, les intérêts de
l’embryon seraient en conflit avec les intérêts des femmes,(ce qui justifierait
la décision d’un tiers le médecin) comme cela est apparu récemment dans
l’affaire Perruche en France et dans d’autres affaires de mères porteuses dans
les pays anglo-saxons.
Face à ces conflits
idéologiques, la bioéthique est utilisée par le politique et perçue dans le
public comme un discours normatif et neutre qui serait capable d’établir le
consensus entre les convictions plurielles et les conflits d’intérêts. Tout se
passe comme si le discours éthique était capable de reconstruire une éthique
fondée plus ou moins implicitement sur le droit naturel et remettre en question
tout le fatras relativiste de post modernes ainsi que la pensée
constructiviste. Je ne partage pas cette vision institutionnalisée de la
bioéthique, elle me semble répondre à l’attente de l’institution médicale
plutôt qu’au vécu des médecins et des patients, de plus la bioéthique est plus
que l’éthique appliquée, elle se doit d’avoir un regard Meta par rapport aux
pratiques qui lui sont données à observer. Il m’a semblé trouvé au sein d’un
certain courant féministe réflechissant précisément dans une perspective genre,
une pensée plus complexe qui contribue grandement à faire de la bioéthique, une
discipline à part entière, et à lui donner une tonalité engagée contrastant
avec la pseudo-neutralité du jugement éthique élaboré par l’expert en éthique.
L’enjeu est de dépasser
l’hylémorphisme pour penser l’individuation au delà de la division sexuée. (je
parle d’individuation au sens de Simondon)
De quoi parlons nous
lorsque nous parlons d’éthique féministe, n’est il pas utile de préciser de
quel féminisme nous parlons et pourquoi nous avons évolué vers le concept
" d’études de genre "
Nous verrons que l’approche
féministe de la bioéthique est loin de ne concerner que les femmes et qu’elle
offre un regard biopolitique particulier sur les questions posées par la juste
distribution des avancées biotechnologiques.
Je diviserais mon
intervention en trois partie
l’émergence d’un discours
féministe pluriel,
les questions de bioéthique
qui bénéficie de manière privilégié d’une approche genre
Une réflexion sur féminisme
et féminin a partir du travail d’Arendt.
Je pars du postulat que la
pensée féministe, elle remet en cause la notion d’universalisme et
d’impartialité en disant que la pensée à un sexe et une couleur de peau.
Nageons-nous pour autant en plein relativisme, comme le dénonce ces
détracteurs ?Nous tenterons de montrer comment au contraire elle nous
permet de penser un universel concret et solidaire.
L’incommensurabilité de toute
éthique permet-elle de sauver le subjectivisme ?
Les théories éthiques ne
peuvent résoudre les problèmes éthiques sans tomber dans une forme ou l’autre
de réductionnisme.
Seule la remise en cause du
pluralisme éthique peut permettre de défendre le pluralisme des valeurs.
Remise en question de l’idée selon laquelle " il existe une
procédure de décision correcte ou une série algorithmique de règles applicable
par chaque sujet rationnel. -
S’agit-il d’une vulgaire
forme d’activisme négligeable limité à l’élargissement du droit des femmes au
droit sur leur corps qui passerait par une théorie de l’affect et de
l’émotion ?
Ce préjugé sur la réflexion
féministe en bioéthique est une vision réductionniste en soi puisque nous trouvons
des contributions féministes dans des domaines aussi divers que le
communautarisme, la psychanalyse ou la psychologie du développement.
La nature sexiste de la
philosophie pratique a été bouleversée par trois questions :
Peut-on continuer à dire
que le dénominateur commun du féminisme soit la sollicitude, ou sommes nous là
encore dans un préjugé sexiste ? (paradoxalement théorisé par les
feministes essentialistes)
Les quatre grandes
tendances du discours féministe :
Nous avons la recherche
d’une expérience polymorphe de la féminité qui tente de se construire une
identité féminine.
L’éthique féministe c’est
prononcée contre Piaget et Kohlberg qui défendaient un évolutionnisme quasi
linéaire qui mettait entre parenthèses les différences culturelles et sociales
dans une perspective de neutralité alors que la psycho génétique a eu tendance
à naturaliser le jugement moral et affirmer avec Freud que le jugement moral
obéit à la difference entre les sexes. (une forme de mauvaise foi).
L’idée principale étant que
l’identité féminine est menacée par la séparation alors que l’identité
masculine se base sur celle ci.
Le differentialisme naturé de Gilligan :
Carol Gilligan institue le
nouveau préjugé selon lequel la sollicitude et la responsabilité pour les
autres le mode contextuel et narratif de la pensée serait typique aux
femmes.(théories qui seront confirmés par certaines théories du
socio-biologisme) Alors que les règles formelles seraient typiquement
masculines. Elle remet en question la perspective universaliste du
développement moral humain d’un point de vue essentialiste. Et voit la
perspective universalité comme un préjugé parmi d’autres.
Le paradoxe est que le
différentialisme est doublé d’une revendication de droits universels basée sur
le principe d’égalité en droit.
Peut-on ne pas être
critique envers cette éthique de la sollicitude qui ne se baserait pas sur le
vécu mais sur la determination biologique ?
P73 :" la seule
question est de savoir si cette approche relative à une supposée identité
féminine remet véritablement en cause une éthique basée sur des principes
universels ?
Ethique et moralité ou Moralitat
et Sitlichkeit (Hegel)
Habermas soutiendra contre
le differentialisme de Gilligan qu’il n’est pas nécessaire de conclure à une
différence entre les sexes du point de vue moral
L’éthique relativiste de la
responsabilité se base sur des dilemmes réels et non hypothétiques.
Elle exige au-delà du
concept d’autonomie un concept de " personnalité mature "
l’éthique de la discussion se veut universaliste dénonce la perspective de
Gillligan comme une erreur catégorielle car elle confond " la distance
que l’on instaure lorsque l’on vit une crise étique et la distance de recul
institutionnel lorsqu’un participant à la discussion teste les normes.
Selon Habermas "
vouloir partir de réponses contextualisées pour affirmer une hypothétique nature
féminine c’est faire du problème de l’identité des problèmes de justification
éthique "les valeurs doivent être de contextualisées pour
Séparer
Si Gilligan réduit les
conflits moraux à des contextes de choix individuels la critique de la théorie
éthique perd son sens car une éthique, et là nous rejoignons partiellement Mac
Intyre est nécessairement appliqué. N’est-il pas inquiétant pourtant qu’une
féministe contribue à essentialiser le féminin ?
La tâche de la pensée
féministe n’est-elle pas précisément de développer une pensée
émancipatrice ?
Cela ne nécessite t-il pas
la clarification des principes moraux notamment celui de sollicitude et de
responsabilité spécifiquement féminine ? Comment articuler un niveau
normatif substantiel et des normes concrètes sans les confondre ?
Obstacles à franchir pour
une bioéthique féministe pertinente selon Benhabib :
S’il faut poser la
nécessité d’en finir avec un sujet phallique de la raison c’est précisément
pour faire entrer les femmes dans l’histoire alors que Hegel annonce la fin de
l’histoire. La version forte du féminisme consiste à adopter le risque de la
contradiction, et rendre impossible le projet d’émancipation.
Le concept du sujet
doit-être abandonné pour un concept situé de la subjectivité dans le contexte
des pratiques sociales ?
Ce constat implique de
reconstruire :
L’autoreflexivité
la capacité d’agir selon des principes
le fait de répondre rationnellement de ses actions
avoir un sujet situé
Version faible de la mort de l’homme qui est un appel pour en finir avec
les récits essentialistes mais aussi les discours mono causaux dont l’essence
du féminin fait partie.
L’analyse empirique de la
psychogénétique du jugement moral est donc sérieusement ébranlée en termes de
pertinece théorique même si elle fleurit dans le discours du tout génétique qui
se fait naturalisation du biotechnique.
Y aurait-il un fondement
féministe de la pensée bioéthique ?
Le debat entre la remise en
question d el’universalisme et l’émergence d’un relativisme radicale estil au
cœur de " La bioéthique féministe ", ou la parole féministe
assume-t-elle au contraire, l’urgence d’une éthique capable de déterminer un
point de vue normatif commun ?
Est-elle à même de
conjuguer faculté de juger et autorité subjective de la conscience
morale ?
Critique de l’allégorie
mère-enfant
Partons du discours
particulariste et sexuée qui est la relation mère –enfant, métaphore de la
relation de sollicitude à autrui qui précèderait le geste de la raison pour
répondre à l’affect éthique
A la logique abstraite on opposerait une sollicitude phénoménologique.
Si l’éthique féministe rejette la raison comme universel ancrage de la
connaissance morale elle est condamné à un fondement naturaliste qui fait de
l’éthique une force active basée sur deux sentiments :
Sentiment naturel qui nous
pousse les uns vers les autres.
Tout se passe comme si pour
les femmes le conflit entre le devoir moral et la poursuit e de l’intérêt
indiuel n’existait pas !
Le devoir moral
proviendrait du sentiment naturel de l’amour et de la reconnaissance. Celui qui
n’est que rationnel et n’aurait pas de sentiment moral ne peut qu’inspirer
l’horreur !la description de la sollicitude devient alors la tâche
fondamentale de la philosophie !On croit rêver !
Dans le contexte
hospitalier on voit mal comment la sollicitude pourrait servir de critère de
fondement au relativisme moral
Urgence de signaler les
limites de la sollicitude
Nel Noddings
" le caring comme
substance ontologique fondamentale des soins " a eu beaucoup de
succès auprès du personnel soignant majoritairement féminin "
La bienveillance devient le
leitmotiv de labioéthique normalisatrice.
Elle amène même a critiquer
l’autonomie du patient au nom des a vulnérabilité à laquelle il faudrait
répondre on s’est debarrassé du paternalisme pour se faire
materner ! ?
Cela amène le féminisme au
rejet du concept d’autonomie comme concept réducteur en ce qu’io ne partirait
pas de l’expérience fondamentale de la vulnérabilité du sujet dont la survie
dépend de la sollicitude maternelle.
Là encore, il me semble que
nous aboutissons à une confusion catégorielle et normative d’autonomie avec le
concept empirique d’autonomie relative.
Comment Echapper au
paternalisme et au maternage bioéthique des valeurs universelles?
Nous avons montrer
l’insuffisance de la sollicitude à fonder une éthique s’il n’est pas ancrée
dans une problématique plus large de reforme sociale.
Il serait une erreur de
prendre les femmes pour le nouveau macro-sujet de l’histoire. Et d’une
mono-culture des femmes qui devrait réformer la monoculture des hommes.
Le risque de
fondamentalisme qui se cache derrière cette utopie est bien réel.
Passer de la méthode, à
l’identité sexuelle est non pas le dépassement de l’intégrisme moral mais son
déplacement. Ou donc ancrer la légitimité du relativisme moral ?
Y
a-t-il une limite au relativisme éthique prôné par le féminisme ?
La première question serait
peut-être de se demander si le relativisme peut-être considéré comme une
éthique. C’est une question que pose par exemple le courant universaliste qui
rejette le relativisme dans la catégorie de la méta éthique. Ces définitions
ont, comme nous tenterons de le montrer une histoire voire une couleur
politique. Il n’est donc pas neutre de choisir l’un ou l’autre cadre de
références . Les sociétés pluralistes impliquent des loyautés plurielles, donc
du dissensus. Le pluralisme social questionne la naïveté d’un certain
universalisme théorique ou du moins dénonce l’absence de ses conditions
d’applicabilité. C’est essentiellement une remise en cause de
l’irresponsabilité qu’entraîne le consensus présumé sur les valeurs
démocratiques. Il n’est en effet pas question d’aboutir à un compromis sans
vérifier qu’un minimum d’a priori sont partagés sur le but commun. Le but du compromis
en politique libéral est la négociation entre convictions plurielles. Les
négociateurs adoptent un modèle de délibération démocratique qui est sensé être
moins instrumental que les acteurs politiques. Ce moment est essentiel au débat
démocratique car il permet un temps de réflexion permettant à la majorité de
n’être pas tyrannique, non légitimé autrement que par la force du nombre. Les
négociateurs ont pour stratégie d’éviter le dissensus tout en donnant la parole
à tous en recréant une agora, où la parole de la majorité comme des minorités
soit représentée. Le modèle de la démocratie délibérative étant précisément de
faire de chaque citoyen, concrètement sexuée, un co-responsable des choix de
société à faire dans un universalisme composée de singularités.
Par exemple, Les
négociations qui apparaissent dans les différents comités d’éthiques cherchent
à créer les conditions d’accommodation réciproque, comme première étape pour
atteindre les conditions de mutuelle acceptabilité à partir de la narration du
vécu situé et sexué des participants à la gestion des conflits d’intérêts.
Alors que l’on constate que le discours bioéthique a d’abord été une lute
contre le relativisme vécu comme le responsable du nihilisme des valeurs. Le
bien commun était supposé émerger, a posteriori de la discussion. Permettant de
faire l’impasse sur les apriori ou au moins les préjugés que chacun amène
nécessairement à la discussion La condition sous jacente pour que cette
négociation se transforme en décision éthique est que cette
" accommodation " ne serve pas l’intérêt propre des
négociateurs. Il semble que l’une des règles du jeu à proposer aux négociateurs
est que le conflit n’est pas à gagner dans un rapport de force ou chacun défend
ses intérêts propres mais comme un problème collectif à résoudre. Nous
passerions à un débat intégratif du conflit plutôt qu’a une forme de compromis
distributif. L’aspiration à la compréhension mutuelle respecterait la
neutralité méthodologique puisque la compréhension mutuelle resterait une valeur
secondaire par rapport à l’accord de fait. L’intention éthique minimale d’une
démocratie délibérative est nous nous sommes mis d’accord là dessus lors de nos
discussions, de promouvoir la prise de conscience des implications globales de
décisions locales, une rationalité égoïste serait donc insatisfaisante dans ce
contexte. Le rôle d’un comité d’éthique n’est-il pas de donner les outils aux
citoyens leur permettant s’ils le désirent de se prononcer sur les questions de
société que sont les questions de " bioéthique " ?
C’est pourquoi la méthode
d’évitement de Rawls supposant qu’une ligne claire sépare le politique et le
métaphysique, le public et le privé ne peut-être tracée qu’a priori et a pour
effet risque de masquer la complexité de situations empiriques de l’éthique
appliquée, notemment la problématique genre.
D’un autre point de vue,
l’allégeance à un arbitre neutre présuppose l’idée d’un point de vue extérieur
au débat des intérêts immédiats. Cette extériorité est difficile à imaginer ou
à fonder dans nos sociétés post-métaphysiques ou le tiers est structurellement
absent, et ne peut être un alter ego bien que la fonction de l’éthicien dans
l’éthique procédurale anglo-saxonne tente de rejouer le tiers. Si donc ce tiers
abstrait et supposé neutre donc non situé politiquement et sexuellement, n’est
pas absent pour tout le monde il manque de reconnaissance partagée. C’est
précisément l’absence d’un tiers reconnaissable (le droit ne remplissant plus
cette fonction a priori) qui nous a mené aux stratagèmes du consensus qui s’il
a une fonction pragmatique dans le présent immédiat de la crise de décision a
des limites certaines.
Féminisme
et limites de la valeur éthique du compromis :
Il faut rappeler que le
compromis n’est pas une synthèse supérieure au subjectivisme ou relativisme des
convictions individuelles. Santyana disait déjà du compromis qu’il est odieux
aux natures passionnées et que pour les intellectuels ils créent au mieux la
confusion. C’est la question de sa légitimité qui est le plus problématique.
S’il naît d’un conflit d’intérêts ou de principes il se négocie en termes
économiques comme si l’objet même du débat n’était pas en jeu. Les pluralistes
que nous sommes majoritairement défendent l’idée selon laquelle, parler de
priorité lexicale n’a pas de sens pour résoudre les différents entre idéaux que
l’on reconnaît d’entrée de jeu comme équivalant mais non substituables car
appartenant à des jeux de langage hétérogènes. Diviser les différents est donc
une technique en bioéthique dont la fonction est d’accommoder des idéaux
hétérogènes (idéaux réduits à des " commodities "). Mais le
compromis peut prendre différentes formes. Il exige une adaptation mutuelle des
poins de vue ou " un accord sur le second choix ".
expression elle aussi adaptée du vocabulaire de l’économie. Selon Goodin, un
groupe d’individus s’opposant sur leur valeur la plus haute disons l’autonomie
peuvent s’accorder sur la valeur deux disons la liberté responsable. La
négociation a pour effet de forcer à l’empathie vis a vis de la vision d’autrui
que les positivistes et les behaviouristes considèrent comme irrémédiablement
subjectifs donc non communicables, non partageables, non universalisables, non
objectivables. Nous reviendrons sur ce point qui est sérieusement mis en cause
par certaines féministes mais aussi par les sciences cognitives qui tendent à
naturaliser les émotions morales, fermons cette parenthèse. L’exigence
essentielle du compromis n’est pas son objectivation mais sa cohérence interne.
Ceci est d’autant plus problématique que la bioéthique est confrontée à des
situations d compromis dans de situations d’incertitudes et d’indétermination
épistémologique tout en devant jouer le rôle d’éclaircir au maximum les enjeux
au de là du conflit de intuitions morales précisément.. Si le pluralisme trouve
le compromis plus acceptable que les monistes, ces derniers lui accorde une
vertu qui est celle de construire de la " communauté ", du
" lien social ". Il voit le compromis comme un désagrément
relativement acceptable tant que leur principes moraux ne sont pas bafoués
globalement. La dimension d’équité ou de justice n’intervient que pour
départager de manière normative ce qui n’a pu l’être par la négociation qui a
l’avantage de ne pas créer de conflit entre un gagnant et un perdant (sphère
moniste du ou-ou) mais de faire deux gagnants-perdants relatifs et introduire à
des rationalités plurielles et traduisibles. L’évitement de conflits en termes
pragmatique est évident. Mais où est la perte ? Il est dans la répétition
d’un universalisme abstrait qui fait violence à une singularité socio-politique
qui refuserait de se positionner en termes d edéterminisme naturel comme nous
allons le voir avec l’exemple de la question biopolitique du droit reproductif
des femmes
Prise
en compte de la dimension sociale du discours moral sous l’habit bioéthique
La première question qui se
pose à nous est le rôle du sociologue face au retour du discours moral. Dans
les années 70, après la révolution culturelle qu’a provoqué la pilule et la revendication
du droit des femmes sur leur corps fais ant
de la procréation non un fait de nature mais un choix libre sous
conditions ;a émergé l'urgence de la reconstruction d'un discours éthique
adapté à la nouvelle donne. Certains pays s’y sont adaptés notamment dans le
nord de l’europe d’autres pays du sud comme l’Espagne et l’Italie n’ont pas su
s’adapteret ont vu leur taux d enatalité baissé de manière dramatique, au point
au aujourd’hui l’Espagne est suceptible de devenir le plus vieux pays d’europe d’ici
2050. l'aspect éthique du droit des femmes et du droits reproductifs et sociaux
qui y sont associés ont été négligés dans la critique politique des
institutions les plus réactionna ires
en termes d erepresentation de la famille et du rôle social des femmes.
L’éthique tend alors vers la reconstruction de l'universel qui dépasse le
désenchantement du monde et s'oriente vers une dimension de reconstruction du
lien social. Le discours "bioéthique" devient alors un discours
médiateur entre philosophie et sociologie car il se préoccupe des fondements
normatifs de l'activité sociale, ou du respect des circonstances pratiques de
la vie sociale. On peut dire dès lors que la sociologie morale et la bioéthique
se partagent le champ d'une réflexion sur la science de l'action : que faire ?
comment faire ? comment faire justement ?mais ici l’universalisme abstrait
vient masquer les revendications feministes qui sont disqualifiés comme
relativistes et mettant donc en danger le bien commun.
Si l'objet de la sociologie
est aussi abstrait que celui de la philosophie, il garde malgré l'analyse
empirique de l'évolution sociale un caractère pratique. L'identification des
valeurs sociales repose sur une analyse des situations émergentes qui
interrogent ou bouleversent les normes. La sociologie propose donc différents
outils descriptifs aux questions :
comment et pourquoi se reproduit-on
comment et pourquoi meurt-on aujourd'hui ?
comment et pourquoi naît-on aujourd'hui ?
comment et pourquoi promettre la santé pour tous ?
La philosophie quant à elle
prétend jouer le rôle de mémoire qui permet de raison garder rapport à des
faits biotechnologiques qui ont tendance à s'annoncer comme valeurs. La
sociologie si elle s'intéresse comme la philosophie au fondement des
justifications de l'action, lorsque de nouvelles technologies arrivent sur le
marché et heurtent la perception commune des principes orientant nos décisions,
pose d'une certaine manière les mêmes questions que le philosophe agissant au
sein du champ de réflexion interdisciplinaire qu'est la bioéthique.
La question de la validité
d'une idée normative telle que
La
cohérence des actions
La sociologie morale donc,
comme la bioéthique a pour fonction sociale d'analyser de manière critique les
types de justification qui légitiment nos changements de moeurs. Elle examine
la cohérence interne des pratiques avec les principes fondant la légitimité de
nos institutions. Mais, sauf à vider les valeurs morales de tout sens
identifiable, il faut avec certains philosophes et sociologues repenser le
cadre d'une raison pratique dans un contexte socio-politique.
Car cela remet en cause
l'idée , perçue comme dangereuse, que les valeurs sont relatives et
indépendantes de tout contexte de validation.
La présence abusive de la
valeur d'autonomie, la dissolution de la valeur de solidarité est un problème
qui intéresse le philosophe et le sociologue mais également tout citoyen, mais
l’on serend compte que la philosophie a tendance à essentialiser les rôles
alors que le regard sociologique es tplus pragmatique et plus en phase avec
l’histoire qui a donné aux femmes une place que le patriarcat ne leur avait
jamais octroyé et qu’elles ont pris . Le rôle des philosophes et sociologues
étant de s'enrichir de la diversité d'une société pluraliste tout en cherchant
un consensus réfléchi qui ne se réduise pas un discours normatif unique mais à
une convergence narrative des conceptions permettant d'agir dans un projet
social commun mais non réducteur, l’impasse sur la question genre est une des
raisons du peu d’impact du discours bioethique qui reproduit une systéme
normatif obsolète plutôt qu’il ne contribue à expliciterles conséquences des
nouveaux paramètres sociaux en s’appuyant sur l’idée que la science est neutre,
et qu’il serait donc absurde de sexuer le discours sur les effets de la
science.
Pour cela, nous ne pouvons
séparer
travaux historiques sur le mal
les meurtres de masse hier et aujourd’hui (cf Arendt et la banalité du
mal)
le mal dans les pratiques courantes:l’ absence de solidarité, de
liberté, de fraternité qui rend l'incohérence entre les normes et les pratiques
insupportable.l’injustice entre les classes et les sexes.
La bioéthique qui se devait
d’être critique de tout substantialisme ou essentialisme a consolider par son
allergie au relativisme des genre l’idée de Nature et diaboliser les
technosciencesen les naturalisant.
La pratique biomédicale
peut-elle devenir objet d'analyse sociale ? Il faut pour cela accepter que le
sujet moral n'est pas donné, qu’il n’a pas disparu, qu’il est à construire et
reconstruire dans un horizon du possible partant de la description de la
complexité du réel dont la difference des genres est une dimension
fondamentale.
Ce qui est en jeu en
démocratie n’est pas seulement la neutralité axiologique de l'Etat, qui
requiert la mise entre parenthèses de toute idéologie morale pour traiter le
politique.
La neutralisation
axiologique de la puissance publique.
La question est de savoir
la pertinence pratique de cet idéal démocratique.
Nous avons besoin du regard
genre pour savoir si la fonction de la bioéthique est bien de remettre ces
morceaux ensemble et à quel distance pour que tout ne soit pas fusionné dans un
tohu bohu, mais que soit trouvé la juste distance nécessaire à une éthique de
la discussion.
Peut-on se contenter de la privatisation
de la conviction morale pour attendre la paix sociale dans la civilité ?
Si la raison d'état est
plurielle donc virtuellement conflictuelle, comment accorder la raison
politique et la conviction morale de sujets situés ?
L'éthique des principes
universalisable est fortement préjugée par l'idée d'une nature de plurielle de
la raison, voire d’une historialisation des rationalités.
Mais comment procéduraliser
l'application des normes est une autre paire de manches !
Le postulat que la
résolution du conflit exige la rencontre dans un lien médiateur entre
victime/agresseur pour restaurer un dialogue brisé. Mais l’état ne joue plus ce
rôle de référence consensuelle. Le consensus exige d’être argumenté à partir de
lieux d’autorités
eux-même plurielles et
differentiés . Démocratisation de l’autorité dans une démocratie participative
et sexuée?
SI la bioéthique apparaît
comme émergence d’une médiation entre rationalités et autorités plurielles,
elle joue le rôle de critique de toute autorité une qu’elle soit scientifique
politique ou religieuse. Dans son aspect le plus radical elle ouvre donc la
voie à un travail de démystification et ouvre au delà des légitimités
hiérarchisées à une réflexion intersubjective entre acteurs aux intérêts
divergents.
Le phénomène social de
l’émergence bioéthique n’est pas aussi neutre et assexuée qu’on a tenté de nous
le faire croire . La logique causale s’avère insuffisante à décider du destin
des controverses qui émergent dans le champ social.
Conclusion
Ainsi, si le regard genre
"tâche de dévoiler les déterminismes historiques de la production
bioéthique et de la production de normes, ces normes ne peuvent être analysées
en dehors de groupes sociaux qui les font naître. Et des jeux de pouvoir à
l’œuvre.
Cela suscite deux niveaux
du regard du philosophe:
Plan de l’analyse institutionnel
Travail éthique déployé par les individus singuliers. Ce qui implique
une limite du déterminisme social et donc du pluralisme.
Mais
si la finalité de la bioéthique est d’œuvrer à la restitution de la liberté de
jugement du sujet face aux differentes formes d’a lliénation,il est essentiel que les formes d’alienation soit
décite par les sujets eux-mêmes et non determinés par l’instance politique .Il
nous faut là encore repenser les deux discours idéologiques de notre époque
avec une regard genre
Ces
deux discours sont insuffisants à la réflexion bioéthique car il
l’instrumentalise.
Elle
aboutit à ces déclarations:
Vous avez compris que nous
vous invitons à entrer dans une ère ou la bioéthique ne contribue pas au retour
de l’ordre moral mais invente avec des sujets situés et sexués, l’éthique de
demain face à un monde dont nous sommes de moins en moins les créatures, encore
moins les créateurs mais les prothèses de nos propres créations. La dimension
symbolique de la reproduction assistée prend alors toute son importance et nous
servira de paradigme.
De la libération vis à vis de la reproduction comme destin des femmes, aux
techniques de la reproduction assistée
La biologie de la
reproduction tend à suppléer la défaillance de processus naturels de la
reproduction humaine " Les lois de bioéthique françaises par exemple,
définissent les techniques d’AMP( insémination artificielle, fécondation in
vitro, et transfert d’embryons) comme ayant deux finalités : "
remédier à une stérilité médicalement constatée de l’homme ou de la
femme " ou d’éviter à l’enfant la transmission d’une maladie d’une
particulière gravité ".
Les conditions sociales de
l’AMP sont strictes, elle concerne exclusivement " le couple marié
ou en mesure de fournir la preuve d’une vie commune d’au moins deux
ans " .Ce principe est si fort que le législateur encourage la femme
dont le conjoint est décédé avant le transfert d’embryons, à faire don de
ceux-ci, ce qui est un des éléments qui amène à une disparition socialement
organisée des droits de la femme sur les embryons. Nous voyons que la
réglementation sociale de l’AMP reproduit les schémas sociaux traditionnels,
qui sont ici réglementés par le politique et par le médical.
Je me propose dans ce texte
d’analyser l’éthique des technologies reproductive, dans une perspective genre
perspective, non-naturaliste qui définit la différence des rôles sexuels comme construction
sociale ; ce qui ne veut pas dire que la femme n’existe pas comme réalité
sociale, mais précisément qu’elle est déterminée par des structures sociales
qu’elle devrait pouvoir contribuer à modifier, et qu’elle ne fait pourtant
souvent qu’entériner. Cette définition nous permettra d’ aborder la question de
l’AMP, dans un cadre de constructivisme des représentations sociales,
permettant d’analyser les techniques de reproduction assistées, comme résultant
d’une croyance essentialiste en ces représentations. Cette approche va certes a
contre courant d’un discours ambiant sur l’AMP qui est présentée comme une
libération du couple face à " la honte ou à la souffrance de
l’infertilité ", alors que de nombreuses femmes notamment dans les
pays du sud questionne la naturalité du désir d’enfant en termes individuels
pour en dénoncer la nécessité sociale traduite par opportunisme en nécessité
existentielle des femmes. Le discours de la médicalisation de la procréation
désamorce tout discours critique possible sur l’
AMP(IAC,IAD ,FIV,ICSI,FIVDO,FIVDE…).
Par lecture genre ,
j’entend donc nommer une approche qui ne se baserait pas sur la sexualité
biologique mais sur une approche de la représentation sociale des sexes, avec
le postulat que la fonction reproductrice ne doit pas constituer un handicap
pour les femmes parce que l’on a coutume d’assimiler fonction reproductrice
naturelle et destin biologique des femmes. Le paradoxe sur lequel je
m’attarderais, est que plus ces techniques sont " naturalisées "
plus certaines femmes en deviennent socialement dépendantes, car la
" reproduction naturelle " devient en termes de discours,
insignifiante historiquement par rapport aux avancées prométhéennes de la PMA,
qui permettent de " mieux faire que la nature ".
Paradoxalement, a l’heure ou la procréation est de plus en plus de-sexualisée,
Il est intéressant de noter que c’est vers le rôle des femmes dans la
procréation que c’est déplacé la question de la différence ou de l’égalité des
genres. Il ne sera pas inutile d’interroger l’idée selon laquelle les
technosciences sont neutres et nécessairement bienfaisantes, lorsque nous
parlons de cet enjeu biotechnologique et biopolitique majeur qu’est devenu la
reproduction médicalisée.
Le regard critique des sociologues féministes sur l’AMP
Il me semble que les
évaluations technologiques des PMA a négligé la critique féministe de cette
technique. Les problèmes épistémologiques et politiques liés à cette question
ont été occultées et masquées sous le terme vague de reproduction humaine,
comme si la question de l’égalité des genres était déjà réglée. Nous tenterons
de montrer que les enjeux de pouvoir entre les sexes sont fondamentaux autour
de cette technique dont les protagonistes ne sont insidieusement pas l’homme et
la femme mais " le couple " et
" l’embryon " deux nouvelles entités juridiques
particulièrement floues, .
Les questions posées par la
littérature genre sont :PMA pour quelles femmes ? Pourquoi la femme
s’est-elle transformée en " système d’approvisionnement
utérin " au service de l’embryon et de la recherche
scientifique ? Pourquoi a-t-on réduit l’expérience subjective et
phénoménologique de la grossesse à une technique plus ou moins performante de
" production de la vie " en ressortant de la naphtaline le
vocabulaire le plus classique du vitalisme ?Comment l’expertise médicale
et politique sur la procréation devient-elle une extension légitimée de la
décision familiale et privée sur la création comme fabrication de
qualité ?Le débat est d’autant plus complexe qu’il remet en jeu les
dichotomies entre vitalisme et matérialisme, public et privé, droits
corporatistes des mères et droit des femmes sur leur corps…etc. qui soulèvent
d’énormes enjeu de pouvoir
Les craintes du public
liées à l’AMP, et aux technologies reproductrices en général sont la crainte de
la marchandisation, l’incertitude liée à la sexuation, à la production ou à la
fabrication d’enfants. Le public craint et est fasciné à la fois par l’idée
fantasmatique de grossesse masculine ou machinique, de clonage reproductif,
d’embryons médicaments alors que des enjeux sociétaux plus immédiats passent
inaperçus, notamment. Face à ces phénomènes la nécessité de repenser la notion
bioéthique de droits reproductifs des femmes émerge à nouveau, mais
essentiellement des mouvements féministes trop minoritaires pour avoir une
représentativité politique, ou de femmes isolées face aux déceptions et aux
souffrances que provoquent trop souvent ces techniques, alors même qu’elles
s’adressent à un désir biologiquement déterminé,et socialement
construit, de se réaliser comme femme à travers la maternité .Le problème
surgit lorsque la construction sociale de la maternité en fait la condition de
l’existence féminine, alors que cette activité pourrait n’occuper qu’une partie
limitée de la vie et du statut social des femmes. C’est précisément me semble
t-il cette emphase sur la fonction naturelle de procréation féminine qui fait
de l’AMP une technique de survie sociale pour celles qui seraient
" naturellement déficientes ". Elles ne se soumettraient à
cette technique qu’au nom de la croyance en la pertinence de ce modèle
prédéterminé et du besoin de reconnaissance que seul la maternité pourrait leur
octroyer?
Dans cette perspective,
" l’assistance à la procréation " (expression paternaliste
s’il en est !) ne semble plus un évènement contingent apporté par la manne
du " déferlement technologique " mais une technique qui
insidieusement déséquilibre le rapport homme- femme dans la procréation en
introduisant le fœtus ou plus récemment, l’embryon,et le couple comme deux
personnages en compétition avec l’individuation féminine que permet la maîtrise
du moment de la reproduction par les femmes.
Dès lors, la question de la
procréation médicalement assistée est généralement pensée en termes
d’efficacité technique ,à répondre à ce qui est considéré comme un drame
fondamental de l’humain : ne pas pouvoir perpétuer la vie. La capacité de
se re-produire, fonction donnait jusqu’il y a peu encore son statut social à la
femme dans les pays industrialisés. Ce " droit naturel " se
donnait pour fonction première de protéger la dignité humaine contre les
expériences du méprisque provoquait (et provoque encore) l’infertilité
féminine.
Recevoir une dignité
impliquait de s’inscrire dans l’ordre naturel de la reproduction. Ceci était le
lot pour la plupart des femmes jusqu’à la maîtrise de la procréation, dès les
années 70. Les mouvements de libération des femmes ont contribué à inscrire
cette dignité dans leur capacité d’autodétermination et d’appropriation de leur
corps, en dehors du schème patriarcal qui leur avaient octroyé une dignité
déterminée par la marâtre Nature. Cette évolution du concept de dignité des
femmes, en rapport avec les techniques reproductives et le progrès moral des
femmes est lié à la lutte des femmes pour la reconnaissance de leur
individualité morale, comme indépendant de leur statut reproductif. Mais ce
discours de libération a été suivi dès l’émergence des techniques de PMA ,d’un
discours du risque, celui de l’infertilité, qui a agi psychologiquement comme
une limitation à cette liberté de la reproduction ou de la non-reproduction
dans une société qui restai globalement patriarcale. Puisque la reproduction
est devenue " assistée ", la notion de liberté et de droits
reproductifs était affaiblie, et fut vécue par certaines femmes comme le prix à
payer de leur libération sexuelle.
A ce " drame
individuel " de l’infertilité, qui ne concernaient que cinq pour cent
des femmes, la biomédecine contemporaine répondait par une suite de techniques
de fécondation in vitro, dont l’efficacité douteuse d’abord, est devenue de
plus en plus performante, mais a participé à radicalement changer nos
perceptions sociales de la filiation, de la personne du concept de naissance, voire
même de la naturalité de la conception qui est passée dans les représentations
de la reproduction à la fabrication même si nous parlons dans le langage
courant de reproduction assistée. Cette notion même de reproduction assistée
est problématique dans une perspective genre ,car elle masque pour tous que le
biotechnologique insérée dans la reproduction humaine prend la place réductrice
et essentialiste qu’y prenait jusqu’ici la notion de reproduction naturelle a
partir du moment ou elle devient un passage obligée et remboursée par la
sécurité sociale. La question que se posent les enfants eux-mêmes ici de la PMA
est de savoir si le procédé de fabrication modifie en quoi que ce soit leur
manière d’exister dans le monde. Nous prendrons cette question au sérieux.
Nous voyons à partir de
l’émergence de ces nouvelles questions, que le " revers "
de cette efficacité du point de vue de nos sociétés ,largement demeurées ,
patriarcales, est l’intrusion ou les bouleversements des représentations symboliques
par rapport à la nature de la reproduction qui se pensait en termes de
passivité, de réception, de don, qui contribuait à faire de la grossesse la
fonction essentielle du féminin, ce que revendiquent encore certaines
féministes néo-essentialistes en appuyant leur argumentation sur la
" différentiation sexuelle " qu’effacerait ces techniques
et priverait les femmes de la responsabilité des embryons voire des enfants.
On lit un conflit sous
jacent entre l’ordre social et l’ordre naturel tout se passe comme si l’ordre social
perturbait l’ordre naturel. Cela suggère t-il que le biotech serait le nouveau
visage du rôle réducteur et essentialiste que jouait jusqu’ici dans nos
représentations la notion de " naturel " ?La médiation
technique en termes de fabrication n’est pas nouvelle, mais si dans les
représentations patriarcales classiques il y avait un lien causal et
sémantiquement inscrit entre kin ,king ,kinging et kinship, (sexe masculin, roi
faire et hérédité)cette causalité tranquille , si elle a été est perturbée dans
les mouvements de 68 par la volonté de maîtrise des femmes sur leur corps,
l’intervention de la technique de fécondation in vitro, qui éloigne le
conceptus du ventre de sa mère et le met temporairement dans une boite de
Petri, l’a mis dans le cadre prétendument neutre (mais non encore asexuée) de
la recherche scientifique. Nous aurons à nous interroger sur la pertinence de
valoriser, dans un cadre de référence naturaliste, la re-production plutôt que
la fabrication de nos descendants. Cette question a plusieurs entrées et je
privilégierais là encore l’approche genre, tout simplement parce qu’elle me
paraît à la fois la plus négligée et la plus pertinente d’un point de vue
biopolitique.
"Ce qui est en crise
ici est l’ordre symbolique, la conceptualisation du rapport nature-culture. La
nature comme fondement du sens ne peut être prise comme une notion évidente
mais comme quelque chose à protéger …ou à dépasser " disant Marilyne
Strathern dans "After Nature".
:
" Il y a vingt
ans pouvait être décrit de manière à la fois efficace et acceptable dans les
termes évoquant le mythe de la belle au bois dormant (pénétration , conquête et
réveil de l’œuf par le spermatozoïde) car elle correspondait aux stéréotypes
dominants.
Cet exemple nous montre
l’urgence d’un regard sexuée sur le discours bioéthique.
Biotechnologies entre nationalisation et redéfinition des acteurs de la
reproduction
Les récentes évolutions des
techniques de reproduction médicalement assistées ont amené les femmes à se
questionner sur la finalité des techniques dans la redistribution des rôles des
acteurs de la procréation.
1978 le premier bébé
éprouvette (Grande Bretagne), 1982 premier bébé ovocyte français, Zoé fiv et
décongélation d’embryon en Australie.(Il est intéressant qu’on est appelé cette
fillette Zoé comme si elle n’était plus dans le bios.) Les recherches sur
l’ovocyte, La fivete(Paris 1995), avec ovocyte par micro-injection, puis avec
ovocyte décongelé (1997, Bologne) consiste à produire une éclosion assistée
(Hatching) tendent à rendre l’ovocyte manipulable sans que des protocoles
d’expérimentation humaine clairs ne soient mis en place. Nous passons de
l’expérimentation humaine à des expériences sociétales, sans que ne soient
appliqué aucun principe de précaution à ces pratiques qui commencent de manière
empirique, accidentelle(ICSI) et privée pour devenir des nouveaux marchés pour
des firmes internationales(Geron, Roslin, …). Puis l’ ICSI…La AMP le DPI ….
Il est symptomatique que
dans ces événements les mères soient absentées. Tout se passe comme si elles
n’étaient plus que porteuses d’ovocytes de plus ou moins " bonne
qualité ". Par contre, dans la littérature médicale le nom du médecin
et d e l’enfant apparaissent comme si une filiation biotechnologique avaient
émergé de cette aventure de fabrication d’embryons par fécondation in vitro.
Ces naissances qui sont
perçues comme tant du côté de Zoé plutôt que du Bios, ont démarré dans les pays
technologiquement développés, un débat public sur la conception et la
reproduction sur les possibilités procréatrices nouvelles, qui ont suscité de
l’incertitude morale et des controverses politiques (voir notamment les lois de
bioéthique en France). . Nous sommes en occident et dans les pays
technologiquement développés, dans une dimension socio-historique très
particulière. Nous constatons en effet que nous sommes à un tournant concernant
l’opposition classique entre reproduction naturelle et artificielle. Ce qui
n’est bien sur pas le cas de la majorité des femmes puisque dans le monde en
voie de développement. Les femmes du sud ont encore quarante fois plus de
chances de mourir à la suite de complications dues aux grossesses que les
femmes des pays industrialisés ; 90% des décès maternels ont encore lieu
dans les pays du sud. La PMA peut-elle être considérée comme une médecine
curative ? Nous voyons en tout cas qu’elle est une médecine qui transforme
le champ social de la fertilité. Les femmes du nord ayant (globalement) résolue
par la lutte politique, juridiquement et socialement la question de grossesses
indésirées, ces techniques ont éloigné la revendication de " l’enfant
quand je veux ", qui restait pour beaucoup d’hommes tenant à leurs
privilèges héréditaires, un scandale, car disent –ils peut-on laisser aux
femmes la responsabilité de l’avenir de l’humanité ? pour insister le
discours de " l’enfant a tout prix " au prix de la
souffrance de l’instrumentalisation des fausses promesses et c’est cette
question de l’enfant dans les couples infertiles qui occupe le devant de la
scène, alors même que la reproduction assistée pour infertilité reste en
pratique un mode minoritaire de reproduction. Il n’est pas question de
relativiser ici la souffrance d’une minorité, les femmes infertiles mais de
rappeler qu’elles sont minoritaires, alors que le discours de la reproduction
assistée , les " restes d’embryons congelés " et leur
utilisation pour la recherche oriente aujourd’hui des choix sociaux-politiques
qui réorganise la globalité de la pratique médicale et donc de nos
représentations sociales de la reproduction et de la filiation(ce qui est
d’autant plus vraies avec la plasticité des cellules embryonnaires qui
deviennent des cellules d’or). Cette disproportion entre les faits et les
discours nous interroge en termes de justice. Sur la pertinence en termes de Santé
publique du développement de ces techniques par rapport à d’autres questions de
santé. Elle signale par la disproportion que l’interêt portée à cette condition
dépasse l’intérêt médical et renvoie à l’ébranlement de la différence entre
nature et culture déterminisme héréditaire et liberté existentielle que soulève
l’ensemble des biotechnologies, et qui loin d’être pensée, se déplace au sein
des biotechnologies elle-même.
Reconstituer l’essence du
féminin en réaction aux biotechnologies masculines ne constitue qu’une réponse
naïve au problème de la justice des distributions des rôles dans la
reproduction de demain. Comment se débarrasser dans les a priori soutenant la
PMA du sexisme et du féminisme naturaliste ? Si la conception populaire de la
place de la femme dans la reproduction est qu’elle porte un enfant in utero
mais que de plus en plus il est fabriqué extra utero par les biotechnologies.
Les constructions de la maternité ne sont pas moins des constructions que celle
de la paternité. La postulation de la parentalité (kinship) est une nécessité
fonctionnelle de l’ordre des relations humaines. La question pertinente est
donc de savoir, en quoi la procréation médicalement assistée modifie cette
nécessité fonctionnelle ? Pour certaines féministes on ne peut séparer la
notion de genre et celle de parentalité car elles sont mutuellement
constituées; (Collier 1987.) Mais la parentalité depuis l’investissement des
techniques est de moins en moins pensée en termes de bisexualité.
Par opposition la vision classique
des genres, la parentalité construit les données biologiques de façon
clairement sexiste. Elle suppose par exemple que la seule forme naturelle de
sexualité est l’hétérosexualité. Ce qui rend si problématique le discours de
l’adoption dans les couples homosexuels par exemple. Il n’est pas anodin de
signaler que la PMA s’étant développée dans une société de néocapitalisme et de
consommation nous avons tout intérêt à insister sur l’idée que "créer
l’autre" à deux ou à plusieurs, fait partie de ce discours du discours
néo-libéral du " commodity exchange " et que ce qu’il nous
faut limiter, c’est précisément la commodification de la fabrication d’enfants.
S’il existe une interdépendance des sexes dans la fabrication d’enfants,elle
est la condition de l’accession pour l’enfant au stade de tiers, de personne à
part entière, qu’il ait été fabriqué selon les seules règles du déterminisme
biologique ou avec l’aide des technologies.
Mylène Baum
Professeur de philosophie
Unité d’éthique biomédicale
UCL