Énergie solaire photovoltaïque
Semaine 10 : Modélisation des modules photovoltaïques
Modélisation électrique : caractérisation des éléments
Introduction
Le nombre de paramètres à déterminer pour que le modèle de la figure S10-15 soit complètement défini est plus élevé qu'il n'y paraît. La source de courant et la résistance série sont définis, du moins à température fixée, par un seul paramètre, mais la caractérisation de l'élément non linéaire nécessite plusieurs paramètres à elle seule.
On pourrait bien entendu modéliser la caractéristique de cet élément par une méthode standard, comme la décomposition en polynômes ou en "spline cubique". Cependant,
cette façon de faire nécessiterait l'introduction d'un nombre élevé de paramètres, surtout si l'on doit tenir compte du fait que le courant ip de l'élément non linéaire dépend non seulement de la tension up mais aussi de la température interne.
Afin de limiter le travail expérimental et numérique nécessaire pour déterminer les paramètres du modèle, il est intéressant d'exploiter la connaissance a priori que nous pouvons avoir des phénomènes considérés.
Hypothèses supplémentaires
Plusieurs phénomènes peuvent concourir à la formation du courant de jonction ip . Nous supposons que ce courant peut se décomposer en une somme de termes dont chacun est fonction uniquement de la tension du jonction ujonct (et de la température). La plupart de ces termes ont des formes similaires faisant intervenir une exponentielle (ce qui est typique des phénomènes nécessitant une énergie d'activation). Pour les phénomènes qui ne dépendent pas de l'épaisseur de la jonction, on aura des termes de la forme
(S10-25) ijonct = Io [ exp ( e ujonct / (g k Tjonct )) - 1 ]
où ujonct est la tension de jonction (différente de la tension de la cellule à cause de Rs ) et ijonct le courant, e le quantum de charge (1.602 . 10-19 C ), k la constante de Boltzmann (1.381 . 10-23 J/°K), Tjonct la température absolue de la jonction (en degrés Kelvin) et g un nombre égal ou supérieur à 1 . Io est le "courant de fuite".
Pour les phénomènes liés à la recombinaison-génération de porteurs au sein de la jonction, on a une forme légèrement différente parce que ces phénomènes dépendent de l'épaisseur de la jonction, qui dépend elle-même de la tension de jonction. On aura donc la forme
(S10-26) ijonct = Io (1 - b ujonct )n [ exp ( e ujonct / (g k Tjonct )) - 1 ]
où n est un exposant qui vaut 1/2 dans le cas d'une jonction abrupte et 1/3 dans le cas d'une jonction graduelle. C'est ce dernier cas que nous considérerons par la suite dans le cadre des cellules photovoltaïques.
Des formules comme (S10-25) ou (S10-26) sont souvent utilisée pour modéliser les diodes à semiconducteur utilisées en électronique. Ces termes sont dès lors représentés dans le schéma ci-dessous par plusieurs "diodes" en parallèle. Chacune de ces diodes représente le courant de jonction du à un des phénomènes en présence (diffusion de porteurs, génération-recombinaison de porteurs dans la zone de déplétion...). Nous supposons que ces phénomènes n'interagissent pas (chaque "diode" est définie par son propre jeu de paramètres).
Il peut aussi être utile de prévoir branche pour tenir compte de phénomènes moins bien identifiés et que nous représenterons par une résistance non linéaire " de fuite" Rfuite . Le courant correspondant à cet élément ne sera pas considéré comme faisant partie du "courant de jonction" car représente surtout un courant perdu aux bords de la cellule, dans les joints de grain ...
Figure S10-16
Courants de jonction
Comme expliqué ci-dessus, le courant de jonction se subdivise en plusieurs termes de la forme (S10-25) ou (S10-26).
En particulier, le terme lié à la diffusion des porteurs donne lieu à un terme dont la forme est (S10-25) avec une valeur de g à peine supérieure à l'unité (on a g = 1 dans le modèle de Schokley).
(S10-27) idiff. = Iodiff [ exp ( e ujonct / (gdiff. k Tjonct )) - 1 ] avec gdiff. » 1 et ³ 1
Les courants liés à la génération-recombinaison de porteurs par des mécanismes qui concernent la totalité de la bande d'énergie interdite peuvent être représentés par des expressions de la forme (S10-26) avec g » 2 (et n = 1/3 comme indiqué ci-dessus), soit
(S10-28) ijonct r1 = Io r1 (1 - b ujonct )1/3 [ exp ( e ujonct / (gr1 k Tjonct )) - 1 ] avec gr1 » 2
Par contre, les courants liés à la génération-recombinaison de porteurs par des mécanismes utilisant la présence d'états dans la bande interdite, à la suite de défauts du cristal, peuvent aussi être réprésentés par des expressions de la forme (S10-26) mais avec des coefficients g de 3 ou même plus (et n = 1/3 comme indiqué ci-dessus), soit
(S10-29) ijonct r2 = Io r2 (1 - b ujonct )1/3 [ exp ( e ujonct / (gr2 k Tjonct )) - 1 ] avec gr2 ³ 3
Lorsque l'on dispose de peu de données expérimentales (par exemple uniquement les caractéristiques nominales fournies par le fabriquant) , on considère un seul courant de jonction avec un coefficient g qui est alors une valeur intermédiaire entre les valeurs de g relatives aux différents phénomènes en présence.
En principe, les phénomènes correspondant à des valeurs de g distinctes peuvent être identifiés sur une courbe i-u expérimentale relevée à une température unique (par exemple 25°C) par des techniques numériques. Plus on veut distinguer de phénomènes et plus les données expérimentales doivent être nombreuses et précises (sous peine d'aboutir à des valeurs aberrantes des paramètres, comme des courants de fuite négatifs...).
Malheureusement, il a été relevé dans la littérature que plusieurs phénomènes différents peuvent donner lieu au même coefficient g. Ces phénomènes ne peuvent alors pas être distingués par des mesures effectuées à une seule température.
La résistance série Rs
Nous l'avons placée sous forme concentrée (certains modèles plus orientés vers la physique interne des cellules font appel à une résistance distribuée).
Il est utile pour l'identifier correctement de disposer à la fois de données expérimentales dans lesquelles le courant i est positif (énergie fournie par les cellules, du moins si la tension est positive) et d'autres où i est négatif (énergie injectée dans le module). Pour un même courant IL - imod dans les éléments parallèles, c'est en effet Rs qui détermine la différence de comportement.
Si l'on veut pouvoir séparer correctement les différents courants de jonction (donc déterminer la dépendance du courant de jonction vis à vis de la température), il est nécessaire d'estimer correctement Rs car, dans le cas contraire, l'allure de la courbe ijonction - ujonction relevée expérimentalement ne sera pas suffisamment précise.
La résistance shunt Rp
Cette résistance correspond à des phénomènes mal identifiés (conduction aux joints de grain, effets de bord...). Ces effets sont difficiles à modéliser correctement. Ils sont connus pour être non linéaires, non symétriques et... instables.
Si le modèle des autres éléments est suffisamment élaboré, le rôle de la résistance shunt est peut-être inutile (surtout pour le silicium monocristallin), du moins pour une polarité normale de la tension... il est donc possible que Rp serve surtout à ajouter un degré de liberté à des modèles qui n'en comportent pas suffisamment.
On observe un effet d'avalanche que l'on peut représenter en donnant au courant de fuite la forme
(S10-30)
où a est la fraction du courant de fuite initial sujet au phénomène d'avalanche, ua est la tension d'avalanche et m l'exposant d'avalanche. Si le phénomène est dissymétrique, les paramètres relatifs à l'avalanche peuvent avoir des valeurs différentes selon le signe de ujonct (avec les réserves ci-dessus concernant son utilisation pour une polarité normale de la tension).
Pour l'utilisateur de modules, le terme (S10-30) est souvent négligeable dans le cas de tensions positives( du moins si la modélisation du courant de jonction a été faite soigneusement car dans le cas contraire on peut trouver une utilité à ce terme pour compenser le défaut de modélisation du courant de jonction !).
Par ailleurs, aux tensions négatives, ce terme est souvent masqué par le courant de conduction de la diode connectée en antiparallèle sur les cellules pour assurer leur protection contre le phénomène de point chaud.
En fait, l'expression (S10-31) est surtout utile aux concepteurs du module (qui s'en servent pour calculer la protection minimum à prévoir contre les points chauds).
Détermination des paramètres électriques sur base des valeurs nominales
Si on dispose uniquement pour déterminer le modèle du courant et de la tension nominale (dont le produit est dit puissance de crête) du module, de son courant de court-circuit et de sa tension à vide, et cela uniquement pour les conditions nominales d'éclairement et de température de jonction, on peut seulement déterminer un modèle à 4 paramètres. Comme la détermination de IL consommera l'un des degrés de liberté et la détermination de Rs un autre , le modèle de l'élément non linéaire ne peut comporter que 2 paramètres. On choisira donc un modèle sans courant de fuite, et à un seul courant de jonction caractérisé par Io et g .
Exercice : déterminer les quatre paramètres ci-dessus en utilisant les valeurs nominales d'un module réel.
Indication : on obtient un système de 4 équations non linéaires en 4 inconnues. Ce système est cependant linéaire selon 2 des inconnues, à savoir IL et Io que l'on peut donc facilement éliminer. Il reste un système de deux équations non linéaires en 2 inconnues, g et Rs. On cherche la solution en itérant sur les valeurs de g. Pour chaque valeur de g, on peut trouver Rs par une méthode itérative qui converge rapidement si Rs icc est petit (par rapport à um), car une des exponentielles en présence garde alors une valeur pratiquement égale à l'unité.
La solution a fait l'objet de la communication ci-dessous.
E. Matagne, R. Chenni, R. El-Bachtiri, A photovoltaic cell model based on nominal data only,
Accepté pour présentation à Powereng, Power Engineering Energy and Electrical Drives,
12-14 April, 2007, Setubal, Portugal
Le problème a ensuite été étendu au cas où l'on connait le coefficient de température de la puissance de crête.
M. Rekinger, E. Matagne, R. El Bachtiri, R. Chenni, Un modèle de cellule photovoltaïque avec effet thermique établi sur base des valeurs nominales, accepté pour présentation à la conférence EF'2007.
Il existe des procédures simplifiées pour effectuer cette détermination de façon approchée. Elles reposent souvent sur une confusion volontaire entre le courant IL et le courant de court-circuit du module.
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Dernière mise à jour le 3-02-2008