Dans un grand nombre de cas, on ne s'intéresse pas en détail à l'intensité résultant de l'interférence entre deux sources (ou plus). Ce qui est recherché, c'est le lieu des points où l'intensité est maximale ou minimale, ou encore la longueur d'onde pour laquelle l'intensité est maximale ou minimale à un endroit donné, ou le déphasage à introduire entre deux sources pour avoir une intensité maximale ou minimale en un point donné de l'espace, etc.

Dans tous ces cas, résoudre le problème est assez simple. Il suffit de déterminer les positions et phases des sources, et de calculer la distance entre ces sources et les points considérés. A partir de cela, on détermine le déphasage total, et on applique les règles de la page précédente : si le déphasage est un multiple impair de pi, l'intensité est nulle; si le déphasage est un multiple pair de pi, l'intensité est maximale. Examinons deux exemples pour vous aider à comprendre.


Premier problème, celui d'un écran percé de deux fentes infiniment étroites séparées par la distance d, illuminé par une onde plane arrivant avec une certaine incidence oblique (voir dessin ci-dessous).

Dans ce dessin, les lignes rouges et les lignes bleues n'ont pas d'existence physique réelle. Elles correspondent à des "rayons", qui sont des droites perpendiculaires aux fronts d'onde. Les lignes noires, roses et brunes sont des lignes d'égale phase, par exemple des lignes correspondant aux endroits où le champ est maximal. Ces lignes avancent à la vitesse c (si on se trouve dans le vide; sinon, il faut diviser c par l'indice de réfraction).
Si le point P est situé très loin de l'écran, alors les lignes bleues connectant chacune des fentes au point P sont presque parallèles. L'approximation de Fraunhofer consiste à considérer que ces droites sont réellement parallèles, une approximation que nous accepterons ici.

 

Il est évident qu'il y a deux sources dans le problème, S1 et S2, correspondant aux sources des ondes émises par les fentes lorsqu'elles sont illuminées par l'onde plane. Ces deux sources n'émettent pas en phase, parce que l'onde plane arrive en S2 un peu plus tard qu'en S1. Quel est le retard de phase de S2 par rapport à S1?
La distance supplémentaire parcourue par l'onde plane pour atteindre S2 est indiquée ci-contre. Compte-tenu du fait qu'une distance d'une longueur d'onde correspond à un déphasage de deux pi, le retard de phase de S2 par rapport à S1 est de . Attention, la longueur d'onde dépend du milieu dans lequel on se trouve...

 

Calculons à présent la différence de chemin entre le point P d'observation et les deux sources. Si les rayons bleus peuvent être considérés comme parallèles (voir plus haut), la différence de chemin . Elle ne dépend que de l'angle, et pas des coordonnées détaillées du point P. Le déphasage résultant de cette différence de chemin vaut . On retrouve une expression analogue à la précédente. Attention, ici encore il faut tenir compte du milieu dans lequel se propage l'onde, puisque la longueur d'onde en dépend.

Il ne reste plus qu'a sommer ces deux termes pour obtenir le déphasage total, en faisant attention à prendre les bons signes pour les déphasages. Ici, S2 est atteint plus tard par l'onde incidente, et le rayon émis par S2 doit parcourir un chemin plus long pour atteindre P que celui émis par S1. Donc, il faut additionner les déphasages à l'incidence et à l'émission. La différence de phase totale est donc . Si cette différence vaut un multiple pair de pi, l'interférence en P est constructive; si elle vaut un multiple impair de pi, l'interférence en P est destructive... A partir de ces conditions, on peut facilement dériver des conditions sur les angles ou la longueur d'onde de telle sorte que l'intensité soit nulle ou maximale à un endroit donné de l'espace. Par exemple, si on cherche les angles pour lesquels il y a interférence constructive avec alpha=0 (incidence normale), on trouve: , où m est un nombre entier, positif ou négatif. Si on place un écran derrière les deux fentes, on y verra une succession de bandes claires appelées franges d'interférence, chaque frange correspondant à une valeur entière de m comme indiqué dans la figure ci-dessous, reproduite de votre livre de référence.


Passons au second problème. Un film mince déposé sur un support plan est illuminé par une onde plane sinusoïdale. Cette onde plane rencontre plusieurs interfaces, et se réfracte et se réfléchit partiellement à chaque interface. Chaque "faisceau" réfracté et réfléchi peut lui-même rencontrer plusieurs interfaces, et se réfléchir ou se réfracter partiellement. On aboutit à un grand nombre d'ondes superposées, et donc à des interférences, comme illustré schématiquement ci-dessous.

Dans la figure, on a tracé trois rayons particuliers appartenant à l'onde (il y en a bien sûr bien d'autres, mais la situation se reproduit avec la même géométrie pour chacuns de ces autres rayons pris deux à deux). Les lignes noires sont les lignes de crête (on ne les a pas représentées pour les ondes réfléchies et réfractées, pour ne pas encombrer le dessin). Concentrons-nous sur deux rayons, le rouge et le bleu, et à leurs deux réflexions qui interfèrent en émergeant du film.

Pour atteindre le film, le rayon bleu parcourt une distance a supplémentaire par rapport au rayon rouge. Par contre, le faisceau réfléchi rouge atteindra le même point d'émergence que le premier faisceau réfléchi bleu, après avoir effectué un zig-zag supplémentaire dans le film, de longueur totale b=b1+b2 = 2.b1. La situation se présente donc comme suit:
Retard de phase dû au chemin a:
      
Retard de phase dû au chemin b:
      
Attention! Il faut bien entendu calculer les déphasages en prenant en compte les longueurs d'onde à chaque endroit.

Le retard du faisceau rouge par rapport au faisceau bleu est donc:

A cela, il nous faut rajouter un éventuel déphasage que subiraient les ondes en se réfléchissant ou en passant à travers les interfaces. En ce qui concerne leur passage à travers les interfaces, les coefficients de transmittance de Fresnel sont toujours positifs (pour des corps isolants), et il n'y a pas de déphasage supplémentaire à prendre en compte lors de la traversée d'une interface. Par contre, les coefficients de réflexion de Fresnel peuvent être positifs ou négatifs, selon l'angle d'incidence, la polarisation et la valeur des indices de réfraction des matériaux de part et d'autre de l'interface. S'ils sont négatifs, cela correspond à un déphasage supplémentaire de pi lors de la réflexion. S'ils sont positifs, il n'y a pas de déphasage supplémentaire. Il faut donc examiner les signes des coefficients de réflexion de Fresnel pour l'interface 0/1 où se réfléchit le faisceau bleu, et pour l'interface 1/2 où se réfléchit le faisceau rouge lors de son zig-zag dans le film. Le déphasage total dû aux réflexions vaudra 0 ou pi.

En fin de compte, le déphasage total s'écrit:
       
Les conditions d'interférence constructive/destructive correspondent aux cas pour lesquels cette différence de phase est un multiple pair/impair de pi. On peut par exemple, si on donne l'angle d'incidence, calculer les longueurs d'onde éteintes par interférence destructive, ou celles qui sont renforcées par interférence constructive, et expliquer les couleurs du film en fonction de l'angle sous lequel on le regarde...

La page suivante examinera comment on peut quantitativement calculer l'intensité dans une expérience d'interférence.

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