Circuits glissants
1. La théorie en bref

Annexe II : Circuits en quadrature et saturation croisée

Intuitivement, on dit que deux circuits sont "en quadrature" lorsqu'ils ne s'influencent "le moins possible", et cela même si les champs magnétiques qui leur sont associés partagent la même région de l'espace. En particulier, le passage d'un courant dans un des deux circuits ne peut pas faire apparaître de flux magnétique dans l'autre.

Ce sera par exemple le cas de deux bobines cylindriques dont les axes seraient disposés comme indiqué à la figure ci-dessous.

Figure S01-10 : exemple de circuits en quadrature

Mathématiquement, la notion de quadrature entre deux circuits peut être définie en disant que le comportement du dispositif reste inchangé quel que soit le sens de référence choisi pour ces circuits. Autrement dit, on garde les mêmes équations même si on change le signe à la fois du courant et de la tension d'un quelconque des deux circuits.

La quadrature est donc un cas particulier de symétrie du dispositif. Le groupe de symétrie correspondant ne comporte que quatre éléments, à savoir

Les fonctions d'énergie et de coénergie, quand elles existent, permettent de traiter facilement les symétries. En effet, puisqu'elles définissent complètement le comportement du dispositif, il suffit qu'elles vérifient la symétrie considérée pour que toutes les équations du dispositif la vérifient. C'est en particulier le cas pour la notion de quadrature.

Pour que deux circuits soient en quadrature, il faut et il suffit que la fonction d'énergie obéisse aux conditions

(S01-40) wm ( yd , yq ) = wm (yd , - yq ) = wm ( -yd , yq )

De même, pour que deux circuits soient en quadrature, il faut et il suffit que la fonction de coénergie vérifie les conditions

(S01-40) wcm ( id , iq ) = wcm (id , - iq ) = wcm ( -id , iq )

Par la suite, nous nous limiterons à l'utilisation de la coénergie.

Une conséquence immédiate de (S01-40) est que, si l'on approxime la coénergie sous la forme d'une fonction polynomiale de id et iq , on peut imposer aux circuits d'être en quadrature en ne conservant dans cette fonction que les termes pairs à la fois en id et iq . On aura donc

(S01-41)

où les coefficients a b g d A ... sont à déterminer, par exemple de façon à rendre compte le mieux possible d'essais expérimentaux (le facteur -1/2 présent dans le dernier terme explicité a été ajouté pour des raisons de convenance qui apparaîtront plus loin).

Dans le cas des dispositifs linéaires, il ne faut considérer que les trois premiers termes. On voit qu'il n'y a alors aucun terme de couplage entre les deux circuits, de sorte que l'on peut dire que deux circuits linéaires en quadrature n'exercent aucune influence l'un sur l'autre. Cette propriété, souvent prise comme définition de la quadrature, n'est pourtant valable que pour les circuits linéaires.

Dans le cas général, deux circuits en quadrature peuvent s'influencer si l'on considère un modèle non linéaire. En effet, le champ associé à l'un peut saturer les matériaux magnétiques et ainsi provoquer une diminution du flux de l'autre circuit. Ce phénomène porte le nom de "saturation croisée".

Pour faire apparaître la saturation croisée dans les calculs, il faut expliciter la décomposition en série (S01-41) au moins jusqu'à l'ordre 4 . Si on limite la décomposition en série à l'ordre 4, le seul terme de saturation croisée que l'on rencontre est le terme du quatrième ordre .

On a alors

(S01-42a) yd = 2 a id + 4 g id3 - A id iq2 + ...

(S01-42b) yq = 2 b iq + 4 d iq3 - A id2 iq + ...

On remarquera que, dans l'expression des flux, le terme de couplage dépend de façon quadratique du courant dans l'autre circuit. On remarquera aussi que ce terme dépend aussi du courant présent dans le circuit considéré. Ce fait, pourtant essentiel pour la cohérence de la théorie, a souvent été ignoré par les auteurs de traités relatifs aux machines électriques.

Pour étudier la dynamique du système, il est commode de décomposer les dérivées temporelles des flux en utilisant les coefficients d'inductance. On obtient l'expression de ces derniers en calculant les d´rivées partielles des flux par rapport aux courants. Par exemple, l'inductance propre du circuit " d " s'obtient en dérivant l'expression (S01-42a) par rapport à id et vaut

(S01-43a) Ld (id , iq ) = 2 a + 12 g id2 - A iq2 + .....

On obtient de même, en dérivant l'expression (S01-42b) par rapport à iq , on obtient

(S01-43b) Lq (id , iq ) = 2 b + 12 d iq2 - A id2 + .....

Enfin, en dérivant l'expression (S01-42a) par rapport à iq ou l'expression (S01-42b) par rapport à id , on a

(S01-43d) Mdq (id , iq ) = - 2 A id iq + .....

Le coefficient A des termes de saturation croisée est relativement facile à déterminer expérimentalement par une mesure d'inductance. En effet, si id est nul (à l'exception d'un minuscule courant id destiné à effectuer la mesure de Ld ) et que l'on fait varier iq , on a

(S01-44a) Ld ( 0 , iq ) = 2 a - A iq2 + termes de degré supérieur

Le coefficient du seul terme quadratique fournit la valeur du coefficient A .

On peut évidemment obtenir la même valeur en alimentant le circuit " d " et en mesurant l'inductance propre du circuit " q " puisque (S01-43b) devient alors

(S01-44b) Lq ( id , 0 ) = 2 b - A id2 + termes de degré supérieur

Si l'on poursuit l'explicitation de l'inductance mutuelle entre les deux circuits au-delà de ce qui a été fait en (S01-43c), on obtient

(S01-45) Mdq ( id , iq ) = - 2 A id iq ( 1 + Bd id2 + Bq iq2 + ...)

où Bd et Bq sont des coefficients à déterminer pour obtenir une solution valable à des valeurs plus élevées du courant. Il est clair que cette inductance est nulle dés que l'un des deux courants id ou iq est nul.

Les décompositions polynomiales telles que (S01-42) sont cependant mal adaptées à la description d'une caractéristique magnétique, ces dernières présentant une asymptote oblique, alors que les polynômes se comportent de façon très différente sauf s'ils comportent une infinité de termes avec des coefficients alternés. Nous allons donc abandonner cette paramétrisation, à l'exception du coefficient A dont nous avons vu l'intérêt pour caractériser la saturation croisée. Pour caractériser l'inductance mutuelle (S01-45) nous allons remplacer le polynôme entre parenthèses par une fonction non linéaire. Comme une fonction non linéaire à deux variables est assez difficile à identifier, nous allons faire l'hypothèse que l'on peut représenter cette fonction à l'aide d'une fonction non linéaire à une seule variable, et nous écrirons

(S01-46) Mdq ( id , iq ) = - 2 A id iq F"( Bd id2 + Bq iq2 )

où nous imposons à la fonction F"(x) les conditions

(S01-47) F"(0) = 1

(S01-48)

afin de sauvegarder la signification des paramètres A , Bd et Bq .

Puisque Mdq peut s'obtenir en dérivant yd par rapport à iq , on peut trouver la forme de yd en intégrant (S01-46) selon iq . On obtient

(S01-50)

où F'(x) est l'intégrale indéfinie de F"(x) et f(id ) une fonction de id seul à déterminer. Pour définir complètement F'(x) , nous posons

(S01-51) F'(¥ ) = 0

Pour aller plus loin, nous allons introduire une nouvelle hypothèse physique, à savoir que les champs associés aux courants id et iq atteignent tous les deux tous les endroits où la saturation magnétique se manifeste. Mathématiquement, on peut introduire cette condition en disant que, lorsque l'un des courants tend vers l'infini, le système devient linéaire.

Lorsque cette hypothèse est faite, la fonction F" ne se contente pas de caractériser l'inductance mutuelle : elle définit presque complètement le comportement magnétique du dispositif, comme nous allons maintenant le montrer.

En effet, selon cette hypothèse, lorsque iq tend vers l'infini, (S01-50) devient, compte tenu de (S01-51),

(S01-52)

En extrayant de (S01-52) l'expression de f(id) et en la substituant dans (S01-50), on obtient une expression de yd qui ne contient qu'un seul paramètre de plus que (S01-46), à savoir

(S01-53a)

On peut bien entendu faire le même développement en ce qui concerne le circuit " q" , ce qui conduit à

(S01-53b)

Les caractéristiques magnétiques propres à chaque circuit sont

(S01-54a)

(S01-54b)

Les inductances différentielles en fonction des nouveaux paramètres s'obtiennent aisément en dérivant (S01-53) par rapport à id et iq respectivement , soit

(S01-55a)

(S01-55a)

auxquelles nous ajoutons (S01-46)

(S01-55c) Mdq ( id , iq ) = - 2 A id iq F"( Bd id2 + Bq iq2 )

Si l'on dispose de valeurs expérimentales des grandeurs (S01-53), (S01-54) ou (S01-55), et d'un programme de régression non linéaire, on peut identifier les paramètres ld¥ , lq¥ , A , Bd et Bq , ainsi que la fonction F'(x) et donc aussi sa dérivée F"(x). Pour que le comportement asymptotique des flux (S01-54) soit physiquement correct, il faut que le dernier terme de ces expressions tende vers une constante lorsque le courant dans le circuit considéré tend vers l'infini. Cette condition impose une condition supplémentaire sur la fonction F'(x). En rassemblant cette condition et celles (S01-47)(S01-48) déjà rencontrées ci-dessus, on a

(S01-56a) F"(0) = 1

(S01-56b)

(S01-56c)

où C est un paramètre propre à la fonction F'(x).

La condition (S01-56c) entraîne la validité de (S01-51), que nous pouvons donc ne plus considérer. Elle entraîne aussi que la fonction F"(x) tend vers zéro à l'infini comme 1/x3/2.

Si on dispose d'une connaissance raisonnable des deux caractéristiques (S01-54), on peut déterminer trois des paramètres, à savoir lq ¥ , lq ¥ et

 

(S01-57) ,

sans être obligé de déterminer les autres. En effet, de (S01-54), on peut déduire

(S01-58a)

(S01-58b)

La comparaison des membres de droite de (S01-58) montre que, avec la définition (S01-57), on a

(S01-59) K [ yq (0,Ki) - lq ¥ K i ] = yd ( i , 0 ) - ld ¥ i

Cette relation signifie que les deux caractéristiques magnétiques, après soustraction d'un terme linéaire en le courant, peuvent être amenées en coïncidance par une multiplication des abscisses d'un facteur K et une division des ordonnées par un facteur K, comme le montre la figure ci-dessous.

Figure S01-11 : relation entre les caractéristiques magnétiques d et q .

Réciproquement, si l'on connaît une des caractéristiques magnétiques et les trois paramètres

lq ¥ , lq ¥ et (S01-57), il est possible de déterminer l'autre caractéristique magnétique.

Notons encore la relation intéressante, que l'on peut déduire de (S01-55),

(S01-60)

qui peut servir à déterminer K une fois connus lq ¥ et lq ¥ .

Les idées développées dans cette page sont extraites pour la plupart de la communication

Modelling of the flux linkages in saturated electrical machines, M.S. Garrido & E. Matagne, IMACS 1988, Paris, France.

Malheureusement, la forme de la fonction F"(x) citée dans cette communication entraîne que la constante C figurant dans (S01-56c) est nulle, ce qui l'empêche de reproduire le comportement correct des caractéristiques magnétiques aux niveaux de saturation élevés.

Page précédente

Retour au menu de la semaine 1

Retour à la page d'accueil

Besoin d'une aide personnalisée ?

Dernière modification le 16-07-2004.