Énergie solaire photovoltaïque
Semaine 11 : Modélisation des batteries
Guidance

Calcul de la force électromotrice standard

Principe

Pendant la charge et la décharge d'une batterie, celle-ci échange de l'énergie avec son environnement. Elle fournit de l'énergie au monde extérieur

où U est la tension électrique, Dq la charge électrique qui circule à travers la batterie, T est la température absolue, DS l'augmentation d'entropie, P la pression et DV l'augmentation de volume (on suppose que les sens de référence choisis pour la tension U et le courant Dq/Dt correspondent à la convention "générateur).

Dans le cas d'une batterie, seule l'énergie échangée sous forme électrique nous intéresse. Comme les réactions s'effectuent à température et pression constantes, on utilise comme fonction d'état l'enthalpie libre G , ce qui permet de ne pas considérer explicitement les échanges de chaleur et de travail mécanique.

La tension de repos E d'un élément de batterie se calcule en supposant que les échanges et stockages d'énergie sont réversibles. On a alors égalité entre l'énergie électrique E Dq fournie par cet élément et sa perte d'enthalpie libre - DG .

La tension à vide n'est donc autre que la diminution d'enthalpie libre associée au passage d'une charge de 1 coulomb à travers la batterie, dans un sens correspondant à la décharge de la batterie. Si on considère la variation d'enthalpie libre correspondant à la transformation d'une mole de matière, on a

(S11-10)

où F est le faraday ( F = 96485.3383 coulomb ) et n le nombre de charges électriques échangées avec les électrodes pendant la réaction. Pour que la formule (S11-10) fournisse le signe correct de la tension E, il faut que la réaction chimique soit écrite dans le sens correspondant au passage d'un courant électrique qui sort de la batterie par l'électrode positive et qui entre dans la batterie par l'électrode négative (donc dans le sens correspondant à la décharge de la batterie). Les réactions chimiques doivent donc être écrites dans le sens tel que des espèces chimiques associées à l'électrode négative perdent des électrons (oxydation) et que des espèces chimiques associées à l'électrode positive gagnent des électrons (réduction chimique).

Pour déterminer l'évolution de la batterie, il est intéressant d'étudier le potentiel de chaque électrode (par rapport à l'électrolyte) séparément. La formule (S11-10) donne ce potentiel à condition d'écrire pour chaque électrode la réaction dans le sens d'une réduction chimique, soit

(S11-11) ...réactifs... + .. e- ® ... produits ....

Si l'on procède de cette façon, la tension à vide de la batterie est la différence entre le potentiel de l'électrode positive et le potentiel de l'électrode négative (en disant cela, nous supposons qu'il n'y a qu'un seul électrolyte, et qu'il est de composition uniforme).

On notera que la tension de repos de la batterie peut être mesurée de façon plus précise que chaque potentiel d'électrode séparément car la mesure d'un potentiel par rapport à l'électrolyte est difficile.

Utilisation de l'enthalpie libre standard

En fait, DG n'est pas une enthalpie libre, mais la dérivée totale de G . On peut donc la décomposer en autant de termes qu'il y a d'espèces ( i ) intervenant dans la réaction, soit

(S11-12a)

où les ni sont les coefficients stoechiométriques de l'équation chimique, tandis que les mi, qui portent le nom de potentiels chimiques, sont définis comme la dérivée partielle de G par rapport au nombre mi de moles de l'espèce ( i ) :

(S11-12b)

Pour identifier les espèces chimiques en présence, leur composition chimique ne suffit pas. Ainsi, l'eau liquide et l'eau gazeuse seront condidérées comme deux espèces différentes. Pour spécifier les espèces en présence, on fournira d'autres indications, notamment

(c) solide cristallin
(am) solide amorphe
(lq) liquide
(aq) solution aqueuse
(g) gaz

Parfois, cela ne suffit pas. Par exemple, l'oxyde PbO se présente sous deux formes, une forme rouge et une forme jaune, avec des enthalpies libres légèrement différentes. Dans d'autres cas, comme pour le PbO2, on distingue une forme a et une forme b .

La valeur des mi dépend aussi de la température et des concentrations de toutes les espèces présentes, même celles qui ne participent pas à la réaction. Pour obtenir plus aisément la valeur des mi, on les écrit sous une forme qui fait intervenir la constante des gaz parfaits (R = 8.31447215 J mol-1 K-1 ) et la température absolue T , soit

(S11-13a) mi = mo i + R T ln ai

mo i ne dépend plus que de la température et où ai est un nombre sans dimension.

La décomposition (S11-13a) n'est pas unique : on peut obtenir une autre décomposition vérifiant la même propriété en multipliant l'activité par une constante k et en soustrayant de mo i la constante RT ln k . Il faut donc préciser quelle est la décomposition utilisée.

Les conventions adoptées par les chimistes sont telles que mo i n'est autre que l' "enthalpie libre standard". On peut donc réécrire (S11-13a) sous la forme

(S11-13a) mi = Go i + R T ln ai

On parle souvent d'un "état standard" (réalisable ou fictif) comme d'un état pour lequel ai = 1 . On dit alors que Go i est l'enthalpie libre de l'espèce ( i ) "dans son état standard".

Pour les espèces solides et liquides qui ne sont pas considérés comme des solutés (c'est-à-dire les espèces pures et les solvants), on convient que leur état standard est l'état pur.

La convention est différente en ce qui concerne les gaz et les espèces en solution. Le fait d'avoir introduit le produit R T dans l'expression (S11-13) fait que, dans ce cas, l'activité est, DANS LE CAS LIMITE OU TOUTES LES CONCENTRATIONS SONT TRES FAIBLES, proportionnelle à la concentration de l'espèce considérée. La constante de proportionnalité est rendue égale à l'unité en profitant du degré de liberté dont on dispose pour définir a( i ) et Go( i ).
En ce cas, on peut dire que l'activité est, AUX FAIBLES CONCENTRATIONS, égale à la concentration. En agissant de la sorte, l'arbitraire sur le choix de la constante de proportionnalité a été reporté sur le choix de l'unité de concentration. C'est maintenant ce choix qui a une influence sur la valeur de Go( i ) . Pour les espèces en solution aqueuse, la concentration standard est choisie comme 1 mole/litre , ou comme 1 mole / kg d'eau (ce qui revient au même du point de vue de la définition (S11-13) des activités, puisque ces dernières ne sont égales aux concentrations qu'à la limite des faibles concentrations).

On dit souvent que l'état standard d'une espèce en solution est celui où elle est seule et où sa concentration est unitaire. Il ne s'agit là que d'un "truc" mnémotechnique car une concentration unitaire peut rarement être considérée comme faible, de sorte que l'activité et la concentration sont souvent sensiblement différentes dans ce cas.

Puisqu'on ne s'intéresse qu'aux variations de l'enthalpie libre, il n'est pas nécessaire de connaître les enthalpies libres de chaque espèce de façon absolue. Il suffit de connaître les enthalpies libres de formation, c'est-à-dire l'augmentation d'enthalpie libre qui se produit lors de la synthèse de l'espèce à partir de ses éléments dans leur état standard. Il résulte de cette définition que l'enthalpie libre de formation des corps simples dans leur état standard (H2(g), O2(g), Pb(c) ....) est nulle.

En ce qui concerne les ions, il est pratiquement impossible de déterminer expérimentalement leur Go( i ) dans l'absolu, car les solutions ioniques contiennent au moins deux espèces de signe différent. On peut cependant retourner cette explication pour dire qu'il n'est pas nécessaire de connaître les valeurs de Go( i ) dans l'absolu, puisqu'elles ne correspondent pas à des effets mesurables expérimentalement. De fait, on peut se débarasser du problème en prenant comme référence l'ion hydrogène H+, en posant que

(S11-14) Go( H+(aq)) = 0 .

La valeur des Go(i) des différentes espèces ioniques peut alors être déterminée sans ambiguïté.

Les valeurs des Go(i) des différentes espèces peuvent être trouvées dans des tables, par exemple les données réunies par James A. Plambeck à l'université d'Alberta) . Sauf indication contraire, ce sont ces valeurs que nous utilisons ci-dessous.

En utilisant ces valeurs de Go pour calculer DG, et en reportant la valeur obtenue dans l'équation (S11-10), on obtient une tension appelée la force électromotrice standard Eo .

Notons immédiatement que la force électromotrice standard ne correspond pas forcément à une situation réelle, car il est souvent impossible d'obtenir simultanément tous les réactifs en condition standard.

Equilibre entre plusieurs espèces

Les batteries sont aussi le siège de réaction qui n'impliquent aucun échange d'électron avec les électrodes. La concentration des différentes espèces dépend de l'état d'équilibre atteint par ces différentes réactions. La condition d'équilibre est que le DG correspondant est nul. En utilisant les expressions (S11-12) et (S11-13), on en déduit que le rapport

(S11-15)

ne dépend que de la température. On appelle K la constante d'équilibre de la réaction considérée.

A titre d'exemple intéressant, considérons la seconde ionisation de l'acide sulfurique

HSO4-(aq)® H+(aq) + SO4--(aq)

La constante d'équilibre correspondante est

(S11-16)

A 25°C , la valeur de cette constante est de 0.01050 .

Exemple des batteries Plomb-Acide (modèle 1)

plaque positive

PbO2 (c) + 4 H+(aq) + SO4- -(aq) + 2e- ® PbSO4 (c) +2H2O
enth. libre
(kJ/mol)
-217.330-744.53 - 813.14 (-237.129) x 2

Donc DGo = - 325.538 kJ/mol

et

(à comparer à 1.685 V donnés en http://nsm.fullerton.edu/chem/courses/chem361/final.html)

plaque négative

PbSO4+2e- ® Pb+SO4- -
enth. libre
(kJ/mole)
- 813.14 0-744.53

Donc, DGo = 68.61 kJ/mol

(identique à la valeur trouvée page citée ci-dessus)

Donc, au total,

Eo = 1.687 - (-0.356) = 2.043 V

pour l'exemple ci-dessus.

Exemple des batteries Plomb-Acide (modèle 2)

On sait que l'acide sulfurique ne s'ionise pas complètement, ce qui correspond au fait que la constante (S11-16) prend des valeurs relativement faibles. En réalité, la concentration en ion SO4- - est faible en comparaison de la concentration en ions HSO4- . On devrait donc vraisemblablement remplacer les équations de réaction ci-dessus par d'autres faisant intervenir l'ion HSO4-. Voyons cela de plus près.

La valeur de l'enthalpie libre de l'ion HSO4- est extraite de CRC, Hanbook of Chemistry and Physics, 77th ed., 1996-1997.

plaque positive

PbO2 (c) + 3H+(aq) + HSO4-(aq) + 2e- ® PbSO4 (c) +2H2O
enth. libre
(kJ/mol)
-217.330-755.9 - 813.14 (-237.129) x 2

Donc DGo = - 314.168 kJ/mol

et

Cette valeur est différente de la valeur trouvée ci-dessus avec un autre modèle de la batterie. Il n'y a cependant pas d'incompatibilité entre les deux modèles car ils ne font pas références aux mêmes états standards. En effet, il y a un équilibre entre les ions HSO4-(aq) d'une part et SO4- -(aq) d'autre part qui fait qu'ils ne peuvent pas se trouver simultanément dans leur état standard. Si on tenait compte des activités des différentes espèces, on obtiendrait la même variation d'enthalpie libre, soit

De cette relation, on tire, en utilisant la valeur de la constante d'équilibre (S11-15)

ce qui correspond bien à la différence (11.37 kJ/mol) entre les valeurs obtenues ci-dessus.

plaque négative

PbSO4(c)+H+(aq)+2e- ® Pb(c)+HSO4-(aq)
enth. libre
(kJ/mole)
- 813.140 0-755.9

Donc, DGo = 57.24 kJ/mol

et

Cette valeur est différente de la valeur trouvée ci-dessus avec un autre modèle de la batterie. Il n'y a cependant pas d'incompatibilité entre les deux modèles car ils ne font pas références aux mêmes états standards. Un effet, il y a un équilibre entre les ions HSO4-(aq) d'une part et SO4- -(aq) d'autre part qui fait qu'ils ne peuvent pas se trouver simultanément dans leur état standard. Si on tenait compte des activités des différentes espèces, on obtiendrait la même variation d'enthalpie libre, soit

De cette relation, on tire, en utilisant la valeur de la constante d'équilibre (S11-15)

ce qui correspond bien à la différence (11.37 kJ/mol) entre les valeurs calculées ci-dessus.

Finalement, dans le modèle 2, la f.é.m. standard vaut

Eo = 1.628 - (- 0.297) = 1.925 V

qui est à nouveau différente de la valeur trouvée dans le modèle 1.

Exemple des batteries Plomb-Acide (remarque)

Dans les modèles ci-dessus, nous avons considéré que les seules espèces présentes sur les plaques étaient Pb, PbO2 et PbSO4. En fait, il existe de nombreuses autres possibilités mais pour la plupart des états de charge possibles, ces trois espèces sont normalement présentes en situation d'équilibre. Ce n'est que dans les cas extrêmes de charge ou de décharge que l'une ou l'autre de ces espèces pourraient manquer.

La présence d'autres espèces a cependant une influence sur la quantité d'eau et d'acide sulfurique restant dans l'électrolyte. Nous nous contenterons ici d'énumérer quelques espèces possibles sous forme solide.

étage d'oxydation
espèce
enthalpie libre standard de formation
(kcal/mol)
variation d'enthalpie libre standard lors de la formation
à partir de Pb dans les hypothèses du modèle 1
(kcal/faraday)
0
Pb
0
-
2
5Pb0.2H2O
-336.35
+6.00
PbO jaune
-45.05
+5.72
PbO rouge
-45.25
Pb(OH)2
-100.6
+5.58
4PbO.PbSO4
?
+2.65
3PbO.PbSO4.H2O
-397.30
+0.85
PbSO4.PbO
-243.20
-2.28
PbSO4
-193.89
-8.209
8/3 = 2.666..
Pb3O4
-147.6
+58.94
3
Pb2O3
-98.42
+44.14
4
a-PbO2
-51.94
+30.76
b-PbO2
-52.34

Lorsque plusieurs espèces sont en concurrence, celle qui correspond à la valeur la plus petite de l'enthalpie libre de formation (dans les conditions réelles) qui est favorisée. La colonne de droite du tableau ci-dessus permet déjà de supposer que c'est bien PbSO4 qui se forme sur les plaques lors de la décharge, et PbO2 sur la plaque positive lors de la charge. Le raisonnement n'est pas rigoureux puisque cette colonne suppose que les espèces en présence sont dans leur "état standard".

Exemple des batteries au Cd-Ni

Comme le plomb, le nickel peut former dans les batteries un grand nombre de composés. Comme dans le cas du plomb, on peut écrire l'équation de la tension en se basant sur deux composés ordinairement présents.

Plaque positive

Ni (OH)3

+

e- ® Ni (OH)2+ OH- (aq)
enth. libre
(kJ/mol)
- 563.1 ? -453.1-157.244

DG = - 47.2 kJ

(à comparer à la valeur 0.490 V extraite du site http://dbhs.wvusd.k12.ca.us/NChO-96-National.html)

 

Plaque négative

Cd(OH)2 (s) + 2e- ® Cd (s)+2 OH-
enth. libre
(kJ / mol)
- 473.6 -157.244 x 2

donc DG = 159.112 kJ/mol

(à comparer à la valeur 0.809 V trouvée sur le site http://dbhs.wvusd.k12.ca.us/NChO-96-National.html et sur le site http://web.chem.ucla.edu/~harding/30_f99_el_key.html)

En sommant les résultats précédents, on obtient

DEo = 0.490 - (- 0.825) = 1.315 V

à comparer à la valeur nominale de 1.2 V , qui correspond donc à une valeur approximative obtenue en cours de décharge.

On peut aussi calculer DEo sans connaître l'enthalpie libre de OH- car les termes où elle intervient se compensent. On considère alors l'équation globale

2Ni(OH)3 (s) + Cd (s) ® 2Ni(OH)2 (s) + Cd(OH)2 (s)
enth. libre
(kJ / mol)
- 563.1 ? x 2 -453.1 x 2-473.6

donc DG = - 253.60 kJ/mol

et

Autres exemples

Appel : si quelqu'un connaît des calculs analogues à ceux ci-dessus, mais relatifs aux accumulateurs Ni-MH ou Lithium-ion, je serais heureux d'en faire profiter les visiteurs de ce site.

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Dernière mise à jour le 01-07-2004