Chapitre 1

Voir les cellules et leur contenu

Le microscope optique

La cytologie est la branche de la biologie consacrée à l’étude de la structure et des fonctions des cellules ; elle procède par l’examen microscopique de coupes de tissus fixées et colorées. L’œil humain est un organe que l’on peut assimiler à un instrument d’optique. Son pouvoir de résolution est de 200 micromètres. Les cellules, dont la taille est généralement comprise entre 10 et 20 micromètres, ne sont pas observables à l’œil nu. Leur examen nécessite le recours à un outil, le microscope optique, apparu au début du XVIIe siècle et perfectionné au XIXe. C’est à cette époque que la cytologie s’individualisa en une branche autonome de la biologie.

Le pouvoir grossissant des lentilles de verre convexes était connu depuis l’Antiquité. Dans un traité rédigé au IIe siècle à Alexandrie, Claudius Ptolémée abordait les problèmes de réflexion et de réfraction des rayons lumineux. Les premiers microscopes apparurent au XVIIe siècle, en même temps que les premières lunettes astronomiques. A la base, le principe est le même : il faut disposer de manière adéquate des lentilles dans un tube. Au XIIIe siècle, Vénitiens et Florentins vendaient des lunettes pour corriger la myopie ou la presbytie et, vers 1450, ils commencèrent à maîtriser l’assemblage de lentilles biconcaves. Si l’on se pose la question de savoir qui a inventé le microscope, il semble que dans le milieu des polisseurs de lentilles et des fabricants de lunettes qui prospéraient aux Pays-Bas à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe, Zaccharias Janssen et son fils Hans aient joué un rôle prépondérant. Ils auraient disposé dès 1590 des lentilles dans un tube et constaté que cet assemblage permettait d’obtenir un grossissement des objets examinés. L’on a retrouvé la trace écrite de querelles de priorité et d’antériorité des brevets, les héritiers de Zaccharias Janssen ayant intenté une action en justice pour faire reconnaître l’antériorité de sa découverte. En 1655, à la lumière des résultats de l’enquête menée par les autorités de Middelburg, celles-ci accréditèrent le rôle des Zacharias père et fils dans la découverte du microscope (terme qui n’apparut qu’au milieu du XVIIe siècle).

Des lunettes d’observation et des microscopes furent construits et proposés aux amateurs par Jacob Métius, d’Alkmaar, Hans (ou Johann) Lippershey, de Middelburg, ou Cornelis Jacobszoon Drebbel. Le microscope construit en 1595 par Hans et Zacharias Janssen était formé de deux lentilles dans des tubes coulissants ; le grossissement était de 10X. L’occhiolino de Galileo Galilei, dit Galilée (1609) comprenait une lentille convergente et une lentille divergente. D’autres microscopes furent conçus par l’astronome Francesco Fontana (1618) et le professeur de physique et de mathématiques (Collège romain) Athanasius Kircher (1646). Robert Hooke commença par construire un microscope comportant des lentilles convergentes dans un tube en bois, avant de confier la construction de ses microscopes à l’opticien londonien Christopher Cock. L’objet, éclairé par la lumière d’une lampe à huile, condensée par des loupes, était grossi de 30 à 50X.

Références : Kircher A Ars magna Lucis et Umbrae (1646)

Pendant des siècles le microscope optique allait être le principal pour ne pas dire le seul outil d’investigation des amateurs de « sciences naturelles ». Il en existait de deux sortes : le microscope simple (une loupe) et le microscope composé, dont l’aspect nous est familier : un tube métallique muni à son extrémité inférieure d’une lentille servant d’objectif ; à l’extrémité supérieure une autre lentille fait office d’oculaire ; un condenseur focalise la lumière (autrefois, celle d’une bougie ou d’une lampe à huile) sur l’objet à examiner. Les performances des microscopes composés étaient médiocres ; ils manquaient de stabilité et présentaient des défauts d’alignement du dispositif optique ; en effet, l’oculaire et l’objectif étaient insérés dans des supports de bois ou de carton manquant de rigidité. Le problème fut en grande partie résolu par l’emploi de tubes de cuivre. Jusqu’au début du XVIIIe siècle, les microscopes furent monoculaires ; le microscope binoculaire apparut après 1722. Les grossissements obtenus avec le microscope simple étaient supérieurs à ceux atteints avec le microscope composé si l’on en juge par les performances des instruments fabriqués par Antonie van Leeuwenhoek qui nous sont parvenus.

Parti de la loupe utilisée par les drapiers pour évaluer la qualité des tissus – le compte-fils -, van Leeuwenhoek en améliora considérablement les performances. Il avait appris à polir les lentilles auprès de Johannes Huddle, qui fut aussi le maître de son contemporain Jan Swammerdam, pionnier de l’examen microscopique des êtres vivants. Leeuwenhoek acquit dans ce domaine une exceptionnelle habileté, polissant des jours durant un larme de verre avec des mélanges de poudres de sa composition. Des centaines de microscopes qu’il construisit durant sa longue vie (il mourût à 90 ans !), ceux qui ont survécu se trouvent dans les musées et les collections de sociétés savantes. Ils sont équipés d’une lentille biconvexe à très courte distance focale ne présentant pas d’aberration chromatique ! (voir plus loin). Ces microscopes se présentent sous la forme d’une double plaque de cuivre percée d’un trou dans lequel est logée la lentille ; face à cette ouverture, une pointe métallique sur laquelle était fixé l’échantillon à observer est mue par une vis permettant d’ajuster sa position face à la lentille et à l’œil de l’observateur. Les observations se faisaient à la lumière du jour ou d’une petite lampe à pétrole. Certains de ces instruments permettent d’atteindre des grossissements de 200 à 400 fois ! une performance remarquable si l’on songe que les grossissements obtenus avec les microscopes composés ne dépassaient pas 20 à 40 fois ; il faudra attendre un siècle et demi après la disparition du génial Hollandais pour atteindre des performances équivalentes avec des microscopes composés.

A l’époque de van Leeuwenhoek, les connaissances en optique géométrique étaient largement empiriques. En 1657, fut énoncé le principe de propagation en ligne droite de la lumière dans les milieux transparents. Pierre de Fermat, Snell van Royen et René Descartes firent connaître le résultat de leurs travaux sur le comportement de la lumière à l’interface de deux milieux d’indices différents (air et verre par exemple). La principale limitation à l’utilisation du microscope provenait des défauts des lentilles appelés « aberrations », et qui provoquent d’importantes distorsions de l’image de l’objet examiné. S’agissant d’un instrument d’optique, le terme « aberration » désigne toute déformation ou manque de netteté de l’image du spécimen observé. Une loi de Descartes sur la réfraction et la réflexion des rayons lumineux stipule que les rayons lumineux issus d’un objet ponctuel ne convergent que rarement en une image ponctuelle. L’écart entre l’image idéale et l’image formée par l’instrument d’optique constitue une aberration. Deux formes d’aberrations sont particulièrement gênantes : (i) l’aberration sphérique, la forme la plus courante d’aberration géométrique, est inhérente à la géométrie des lentilles ; les rayons lumineux parallèles à l’axe optique et passant à proximité du centre d’une lentille convergente et ceux passant à la périphérie ne convergent pas en un même point ; (ii) l’aberration chromatique, ou achromatisme, se manifeste par l’obtention de plusieurs images correspondant aux différentes longueurs d’onde de la lumière éclairant l’objet examiné ; in fine, l’observateur voit une image irisée parce que l’indice de réfraction du verre des lentilles varie avec la longueur d’onde de la lumière incidente, c’est-à-dire avec les différentes couleurs de l’objet. Même dans le cas d’un microscope photonique dont les lentilles ne souffrent d’aucune aberration, nous savons depuis les travaux de Louis de Broglie que la nature ondulatoire de la lumière impose une limite au pouvoir séparateur. Les phénomènes de diffraction inhérents aux dispositifs optiques font que l’image d’un point lumineux est un cercle dont la luminosité décroit du centre vers la périphérie.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’amélioration des performances des microscopes fut lente. Au XIXe siècle, une avancée décisive fut accomplie sur le plan théorique avec le traitement mathématique de l’optique géométrique. Sur le plan pratique, les efforts portèrent sur les aberrations des lentilles et leur impact négatif sur la qualité des images. Deux approches furent suivies : l’amélioration de la qualité du verre optique et les associations de lentilles. En 1730, Chester M. Hall, juriste et fabricant de lunettes astronomiques, parvint à une compensation de l’aberration chromatique en combinant des lentilles achromatiques. Quacker par conviction, marchand de vin par nécessité, amateur d’optique et de sciences naturelles par inclination, Joseph J Lister soumit à la Royal Society un mémoire dans lequel il décrivait la réalisation d’objectifs en verre dont la composition réduisait le chromatisme des lentilles. Giovanni Batista Amici, astronome et professeur de mathématiques à l’Université de Modène, fit, en 1844, une tournée des capitales européennes pour promouvoir un microscope à faibles aberrations sphérique et chromatique. En 1847, il introduisit une autre amélioration importante en immergeant l’extrémité de l’objectif dans une huile d’indice de réfraction voisin de celui du verre des lentilles, ce qui a pour effet d’augmenter l’angle d’ouverture de l’objectif et de diminuer la dispersion des rayons lumineux issus de l’objet. D’autres opticiens rivalisèrent de savoir-faire et d’ingéniosité pour produire des instruments de plus en plus performants : à Vienne, Simon Plössl, élève de Friedrich von Voigtlaender, Georg Merz, en Bavière, élève du physicien et opticien Joseph von Fraunhofer, Pistor & Schick, à Berlin. Leurs instruments, pieusement conservés dans les musées et les collections, ont acquis le statut d’œuvres d’art.

Référence : Lister JJ On some properties in achromatic object-glasses applicable to the improvement of the microscope (1830)

Le microscope optique à transmission (ou microscope photonique) de base est équipé d’une lentille « objectif », qui agrandit l’objet, et d’une lentille « oculaire ». Les deux caractéristiques d’un microscope sont sa puissance optique et sa résolution, c’est-à-dire la distance minimum entre deux objets que l’on peut distinguer l’un de l’autre. En 1873, le physicien Ernst Carl Abbe établit la formule permettant de calculer le pouvoir de résolution d’un instrument d’optique :

d = 0,61 λ / n.sin α

où d est la distance séparant deux points donnant deux images distinctes, λ, la longueur d’onde de la lumière de la source, n l’indice de réfraction du milieu (il est de 1 dans le vide) et α la demi-ouverture angulaire de l’objectif. On peut augmenter la résolution d’un microscope en optimisant les trois variables : l, n, α. La résolution étant inversement proportionnelle à la longueur d’onde de la lumière incidente, on ne peut pas aller au-delà de l = 400 nm (lumière violette). En ce qui concerne l’ouverture numérique (n sin α), l’introduction d’une goutte d’huile d’indice de réfraction 1,56 entre l’objectif et l’objet augmente l’indice de réfraction, c’est à dire le rapport entre la vitesse de la lumière dans le milieu entre l’échantillon et l’objectif, et la vitesse de la lumière dans l’air. Avec un microscope dont on a porté l’ouverture numérique à une valeur proche de 1,7, on atteint un grossissement de 2.500 X et une résolution de 200 nm. Pour rappel, la taille moyenne d’une mitochondrie est de 500 nm.

Note : Sous certaines conditions, la limite théorique de résolution du microscope optique peut être franchie, comme l’ont montré les physiciens Stefan W. Hell (Max Planck Institute for Biophysical Chemistry, Göttingen) et R. Eric Betzig (University of California, Berkeley), et le physico-chimiste William E Moerner (IBM Research Division Almaden Research Center, San Jose, California). Le lecteur intéressé par la « microscopie par molécule individuelle » (Single-molecule Microscopy), d’Eric Betzig et William Moerner, ou la « déplétion par émission stimulée » (Stimulated Emission Depletion), de Stefan Hell, consultera les publications originales. Hell, Betzig et Moerner ont reçu le prix Nobel de chimie 2014.

Références : Betzig E, Harootunian A, Lewis A, Isaacson M Near-field diffraction by a slit: implications for superresolution microscopy (1986)
Betzig E, Lewis A, Harootunian A, Isaacson M, Kratschmer E Near Field Scanning Optical Microscopy (NSOM): Development and Biophysical Applications (1986)
Moerner WE, Kador L Optical detection and spectroscopy of single molecules in a solid (1989)
Hell SW, Wichmann J Breaking the diffraction resolution limit by stimulated emission: stimulated-emission-depletion fluorescence microscopy (1994)

Au XVIIe siècle, et malgré ses imperfections, le microscope optique devint un outil d’exploration scientifique aux mains de pionniers comme le naturaliste Jan Swammerdam ou le maître drapier et fonctionnaire échevinal Antonie van Leeuwenhoek, des contemporains du peintre Johan Vermeer, du philosophe Baruch Spinoza (qui assurait sa survie en polissant des lentilles) et du médecin et anatomiste Reinier (Regnerus) de Graaf, découvreur des follicules ovariens chez les mammifères. Van Leeuwenhoek était un habile polisseur de lentilles et constructeur de microscopes. La vocation scientifique de van Leeuwenhoek naquît peut-être au cours de son séjour à Londres, le seul voyage qu’il fit hors des Pays-Bas, pendant lequel il aurait consulté l’ouvrage à succès de Robert Hooke « Micrographia, or some physiological descriptions of minute bodies made by magnifying glasses with observations and inquiries thereupon ».

Toute observation microscopique requiert un traitement préalable de l’échantillon à examiner. Au XVIIe siècle, les techniques de fixation, coupe et coloration étaient rudimentaires. Chaque naturaliste possédait ses recettes et le plus souvent se gardait bien d’en faire profiter ses confrères ; de ce point de vue, van Leeuwenhoek ne fut pas en reste. Le vinaigre de vin était couramment utilisé pour « fixer » les échantillons biologiques ; ceux que l’on voulait maintenir en survie étaient scellés dans des capillaires en verre pour éviter l’évaporation (c’est ainsi que van Leeuwenhoek observa le mouvement des infusoires). L’ampoule contenant le spécimen était maintenue par une boule de cire à la pointe d’une tige filetée, ce qui permettait de placer l’objet à la hauteur de l’axe optique de la lentille et de l’œil. Les échantillons fixés devaient être débités en coupes de faible épaisseur, car au-delà d’une certaine épaisseur de coupe le passage des rayons lumineux est entravé. Van Leeuwenhoek était un virtuose du rasoir : il parvenait à obtenir des coupes dont l’épaisseur n’excédait pas 100 micromètres ! Il était un autodidacte doté d’un esprit méthodique, je dirai même « scientifique ». Orphelin de bonne heure, et de condition modeste, il n’avait pas eu le loisir de faire de longues études. Lorsqu’il se livrait à ses observation microscopiques, il consignait soigneusement ses résultats par écrit : origine du prélèvement examiné, saison, température, éclairement. En outre, il adopta une attitude scientifique en faisant varier les conditions expérimentales de manière systématique. Introduit auprès de la Royal Society de Londres par son compatriote Regnerus de Graaf, il y communiqua le résultat de ses observations dans 375 lettres agrémentées de dessins, bien qu’il fût un piètre dessinateur. Il envoya aussi 27 lettres à l’Académie des Sciences de Paris. Van Leeuwenhoek ne connaissait pas le latin, la langue des échanges entre savants. Ses lettres en néerlandais furent traduites en anglais et en latin par les membres de la Royal Society et publiées dans les Philosophical Transactions, la revue créée en 1665. Elles furent plus tard regroupées et publiées en quatre volumes sous le titre : « Arcana naturae ope et beneficio exquisitissorum microscopiorum detecta, variisque experimentis demonstrata ab Antonio a Leeuwenhoek ».

Dans sa lettre du 7 septembre 1674 van Leeuwenhoek décrivit la présence d’« animalcules » (diertgens) dans l’eau. Les dessins accompagnant d’autres lettres montrent des globules rouges (1674), des « animaux spermatiques » (1679), des bactéries (1683). La taille moyenne d’une bactérie étant comprise entre 1 et 2 micromètres, cela donne une idée des performances optiques des microscopes simples de van Leeuwenhoek. Dans une autre lettre, il fit mention de la présence d’un point lumineux, brillant, au centre des cellules (le noyau ?) ce qui suggère qu’il parvenait à voir l’intérieur des cellules. Le grand homme n’eut ni élève ni disciple, ne fonda pas d’école et ne fut pas l’initiateur d’un mouvement de recherches. Il connut cependant une grande notoriété de son vivant, recevant la visite de savants, de curieux, d’amateurs d’histoire naturelle et même de monarques. Il entra en contact avec Robert Hooke, Curator of experiments de la Royal Society, désireux de vérifier certains de ses résultats. Après le décès du génial naturaliste, sa fille Maria fit don à la Royal Society des instruments de son père et de capillaires en verre scellés contenant des échantillons. Il est regrettable de constater que la plupart de ces objets ont été perdus ; c’est à partir du petit nombre d’instruments et d’échantillons ayant survécu que l’on a pu se faire une idée des prouesses techniques dont il était capable.

Au XIXe siècle, les biologistes entreprirent un effort de codification et d’uniformisation des techniques annexes de la microscopie : fixation, coupe et coloration. Le développement en Allemagne de l’industrie chimique dans les années 1850 s’accompagna de la mise sur le marché d’une variété de colorants, parmi lesquels les dérivés de l’aniline. Le souhait des cytologistes était de mettre au point des méthodes de coloration spécifiques de chaque organite : noyau, mitochondrie, complexe de Golgi, ou de chaque constituants : sucres, acides nucléiques. L’époque du bricolage individuel, même s’il fut parfois génial, était révolue ; histologistes et cytologistes commencèrent à parler le même langage. Des progrès substantiels récompensèrent les efforts consentis, au premier rang desquels l’élucidation du rôle du noyau dans la division cellulaire. Un peu plus tôt dans le siècle, en 1839, le physiologiste Theodor Schwann avait énoncé la doctrine cellulaire. Après les habituelles réticences initiales devant toute nouveauté, la doctrine se généralisa dans les milieux savants et finit par acquérir le statut de théorie. Si elle n’entraîna aucun bouleversement majeur dans l’approche expérimentale des problèmes, son impact conceptuel fut considérable. On l’a qualifiée de « théorie unificatrice » dans la mesure où elle introduisit un dénominateur commun dans les recherches en biologie : l’unité structurale et fonctionnelle de tous les êtres vivants (animaux, végétaux, protistes) est la cellule. Quel que soit le matériel expérimental utilisé, le but ultime était la connaissance de la cellule, de son organisation, de son mode de fonctionnement et de reproduction. La convergence de buts et de moyens estompa les frontières entre disciplines ; des passerelles s’établirent entre cytologie, histologie (l’étude de la structure des tissus), physiologie (l’étude de la fonction des tissus et des organes), embryologie (la science du développement, de l’œuf fécondé à l’embryon), génétique (la science de l’hérédité), et chimie.

L’amélioration des instruments et des techniques fut le moteur de tels progrès que la biologie dut se diversifier en branches spécialisées. La physiologie connut un développement rapide à la suite des découvertes de Claude Bernard (Collège de France, Paris) sur le rôle du foie dans le maintien de la glycémie et le stockage des sucres sous forme de glycogène ; il en émergea deux nouvelles disciplines : la « Physiologie cellulaire », dont la naissance coïncida avec la parution des « Leçons sur les phénomènes communs aux animaux et aux végétaux », l’ouvrage posthume de Claude Bernard publié en 1878, et la « Chimie physiologique » (l’étude de la composition chimique des êtres vivants), qui vit le jour en 1869 après la découverte de la nucléine par Friedrich Miescher. Au cours de la période séparant les deux Guerres mondiales, entre 1918 et 1939, la chimie physiologique devint la « Biochimie ». La « Génétique » vit le jour avec le nouveau siècle, en 1900. La « Biologie moléculaire » (expression utilisée en 1938 par Warren Weaver, directeur de la Division des Sciences naturelles de la Fondation Rockefeller) unit les efforts des physiciens, biologistes, biochimistes et généticiens ; elle connut un développement fulgurant à partir des années 1950, avec les découvertes de la structure hélicoïdale de l’ADN, de la régulation de l’opéron lactose, de l’ARN messager. Les outils de l’« ingénierie génétique » (Génie génétique) – endonucléases de restriction, ligases – firent leur apparition en 1975. Pendant la décennie 1940-1950, la « Biologie cellulaire », produit du croisement entre cytologie et biochimie, allait connaître un extraordinaire développement grâce à la mise sur le marché de nouveaux outils d’investigation : microscope électronique, microscope à fluorescence et ultracentrifugeuse.

Le microscope électronique en transmission

Le caractère ondulatoire de la lumière fut découvert par Christiaan Huygens à la fin du XVIIe siècle. La nature de la lumière et de son interaction avec la matière fut un sujet de préoccupation pour les physiciens de la première moitié du XXe siècle ; dans certaines conditions, la lumière se comporte comme une particule (effet photoélectrique), dans d’autres, comme une onde. En 1923, Louis de Broglie (prix Nobel de physique en 1929) interpréta la dualité onde-particule en formulant l’hypothèse qu’à toute particule ayant une quantité de mouvement on peut associer une longueur d’onde :

λ= h/mv

(h) étant la constante de Planck, (m) la masse de la particule et (v) sa vitesse. Les résultats obtenus par de Broglie sur la mécanique quantique s’ajoutant à ceux d’Albert Einstein et de Niels Bohr (prix Nobel de physique en 1922) sur les théories quantique et atomique permirent les rapides progrès de la physique corpusculaire, de l’électronique appliquée et de l’optique quantique dans la première moitié du XXe siècle. Dès lors, des travaux sur la possibilité de développer un microscope utilisant l’onde associée aux électrons commencèrent dans un certain nombre de pays.

Chose surprenante, c’est en France que le développement d’un microscope électronique souleva le moins d’intérêt. Louis de Broglie était un pur théoricien ; ne disposant pas de laboratoire à l’Institut Henri Poincaré ou au Collège de France, il en avait installé un dans sa demeure. Il l’agrandit en lui allouant un étage de son habitation et y effectua des travaux sur la diffraction des rayons X. Un de ses élèves, Jean-Jacques Trillat, professeur de physique à la Faculté des Sciences de l’Université de Besançon, construisit un microscope en 1935 avec les modestes moyens dont il disposait. Aucune micrographie ne fut prise avec cet instrument. En 1936, son assistant, R. Fritz publia un article dans la Revue générale scientifique mettant l’accent sur l’intérêt de la microscopie électronique. Aucune mention n’est faite de ces travaux dans le recueil paru en 1946 : « L’optique électronique. Réunions d’études et de mises au point tenues sous la présidence de Louis de Broglie ». Dans la préface, de Broglie essaya de justifier le fait que l’invention du microscope électronique n’ait pas eu lieu en France : « L’optique électronique aurait pu avoir en France son développement initial. Dès 1927-1928, je signalais à l’un de mes premiers élèves l’intérêt qu’il y aurait à développer l’optique géométrique des électrons. Malheureusement, il n’a pas poursuivi son travail dans cette direction, et moi-même, absorbé par des recherches plus générales sur la mécanique ondulatoire, je n’ai pas approfondi ces questions. » Ce n’est que dans les années 1940 que le Centre national de la recherche scientifique alloua des crédits pour construire un microscope sous la direction de Pierre Grivet (Compagnie Générale de Télégraphie sans Fil) ; trois exemplaires furent installés à l’Institut Pasteur, à l’Office national d’études et de recherches aérospatiale et chez Michelin.

Malgré les turbulences économiques, sociales et politiques que connut la république de Weimar, le niveau scientifique général en Allemagne était bien supérieur à ce qu’il était en France, malgré la présence de quelques personnalités de premier plan comme Paul Langevin, Frédéric et Irène Joliot-Curie (tous deux prix Nobel de chimie en 1935) ou Louis de Broglie. Dans les années 1920, Berlin était la Mecque de la physique ; s’y côtoyaient des sommités telles que Max von Laue, (prix Nobel de physique 1914), Max Planck (prix Nobel de physique 1918), Walther Nernst (prix Nobel de chimie 1920), Albert Einstein (prix Nobel de physique 1921). Dans leur sillage, se constitua un groupe de jeunes et talentueux physiciens. En 1926, l’un d’entre eux, Hans Busch, publia dans Annalen der Physik un article décrivant la focalisation d’un faisceau d’électrons par un champ magnétique. L’ingénieur Dennis Gabor (prix Nobel de physique 1971 pour la découverte de l’holographie), qui faisait sa thèse à la Technische Universität, Berlin Charlottenburg, parvint à la même conclusion et construisit la première lentille magnétique. Cette découverte ouvrit la voie à la conception de lentilles électrostatiques produisant un champ électrique capable de focaliser des faisceaux de particules chargées (ions et électrons). Les premières versions du microscope électronique furent équipées de lentilles électrostatiques. Leur utilisation sous des tensions supérieures à 100 kilovolts posait des problèmes pratiques ; ces lentilles souffrant d’aberration sphérique, leur usage fut limité aux canons à électrons ; pour les microscopes, elles furent remplacées par les lentilles magnétiques qui ne focalisent que les faisceaux d’électrons.

En 1931, Léo Szilard, qui fut l’assistant de Max von Laue, fit un rapprochement entre le travail de Hans Busch et la théorie de la mécanique ondulatoire. L’équation de de Broglie appliquée à un faisceau incident d’électrons prédit que la longueur d’onde sera d’autant plus petite que la vitesse des électrons est plus grande. Avec des électrons accélérés sous un potentiel de 10 kilovolts, la longueur d’onde théorique est de l’ordre de l’Angström (0,1 nm ou 100 picomètres), ce qui est l’ordre de grandeur des liaisons chimiques. Ernst Ruska, qui travaillait sous la direction de l’ingénieur électricien Max Knoll (Technische Hochschule, Berlin), prit aussi connaissance de l’article de Busch et entreprit la conception d’un microscope. Il ne fut pas le seul à tenter l’aventure : une compétition s’engagea avec l’équipe d’Ernst Brüche (Allgemeine Elekticitäts-Gesellschaft). De 1931 à 1933, Knoll et Ruska construisirent un prototype dans lequel le faisceau d’électrons était accéléré par une différence de potentiel entre deux électrodes, puis focalisé sur une cible par des aimants faisant office de lentilles électromagnétiques ; l’image d’une grille métallique était recueillie sur un écran. Le pouvoir de résolution, de l’ordre de la centaine de nm, dépassait à peine celui d’un microscope optique. Ce prototype est conservé au Deutsches Museum, à Munich. Malgré ces résultats décevants, une demande de brevet fut déposée par Reinhold Rudenberg, directeur scientifique des usines Siemens & Halske AG – du nom des fondateurs, en 1847, Werner von Siemens et Johan Georg Halske. En 1937, Rudenberg obtint de sa direction le financement nécessaire à la poursuite des travaux. Le microscope construit par Ruska et l’ingénieur électricien Bodo von Bories atteignait une résolution de 10 nm ; il fut commercialisé en 1938. Le travail de pionnier d’Ernst Ruska sera récompensé (cinquante ans plus tard !) par l’attribution du prix Nobel de physique 1986. La limite de résolution du microscope électronique en transmission du Centre Ernst-Ruska, à Julich, est de 50 picomètres (0,05 nm). A titre de comparaison, la limite de résolution de l’œil humain est de 100 µm (avec une lumière visible de 380 à 670 nm), et celle du microscope photonique, de l’ordre de 200 nm.

En 1933, Louis Marton quitta le groupe des physiciens de Berlin pour rejoindre le laboratoire d’Émile Henriot et A. Picard à l’Université libre de Bruxelles. Entre 1934 et 1937, il construisit un microscope électronique et publia le résultat de ses travaux dans le Bulletin de l’Académie Royale des Sciences de Belgique. Faute de financement de la part des autorités universitaires et gouvernementales, le projet fut abandonné et, en 1938, Marton partit pour les Etats-Unis. Il fut engagé par la firme Radio Corporation of America (RCA) de Princeton, où il participa à la construction d’un microscope électronique (1940). Ce prototype fut perfectionné par Vladimir Zworykin, pionnier de la télévision, et par James Hillier, un transfuge de l’Université de Toronto, embauché par RCA. Deux ans plus tôt, en 1938, le groupe du physicien Eli Franklin Burton (auquel appartenait Hillier) avait construit à Toronto le premier microscope électronique d’Amérique du Nord.

Références : Busch H Berechnung der Bahn von Kathodenstrahlen im axialsymmetrischen elektromagnetischen Felde (1926)
Ruska E, Knoll M Die magnetische Sammelspule für schnelle Elektronenstrahlen (1931)

Note. Pour la rédaction de ce paragraphe, j’ai bénéficié d’informations fournies par Emmanuel De Chambost et par Pierre Hillion, un élève de Louis de Broglie.

Aberrations

Des aberrations affectent les performances des microscopes électroniques (comme c’est le cas pour les microscopes photoniques). Les défauts qui limitent la résolution des optiques électroniques sont l’aberration sphérique, l’astigmatisme et l’aberration chromatique. D’autres aberrations de moindre importance, appelées distorsions, ont un effet perturbateur limité. L’électron ayant un caractère ondulatoire, un phénomène de diffraction affecte la lentille objectif. Une lentille parfaitement sphérique devrait donner d’un objet ponctuel une image ponctuelle. Ce n’est pas le cas : l’image d’un objet ponctuel est une tache (la tache d’Airy). Ce défaut est corrigé par l’utilisation d’électrons de très courte longueur d’onde et par un élargissement de l’angle d’ouverture de la lentille objectif. En 1933, le physicien Otto Scherzer (Allgemeine Elekticitäts-Gesellschaft) avait démontré que les objectifs magnétique ou électrostatique présentent une aberration sphérique positive. Dans les lentilles magnétiques, il est difficile de contrôler la forme de la répartition spatiale de flux magnétique. Les électrons passant à distance de l’axe de symétrie de révolution subissent une force perturbatrice qui les amène à être focalisés plus près de la lentille que ceux passant à proximité de l’axe. L’image d’un objet ponctuel est un disque. Ce défaut de focalisation est minimisé par l’utilisation d’un circuit électronique additionnel modifiant la focalisation du faisceau d’électrons. On utilise des lentilles de très faible ouverture, à focale très courte (quelques mm), à grandissement élevé, excitées à un régime proche de la saturation.

L’astigmatisme des lentilles électroniques est provoqué par les obstacles matériels à la construction de lentilles à symétrie de révolution parfaite (défaut d’homogénéité des propriétés magnétiques du métal des pièces polaires, défauts d’usinage, contamination des surfaces et des diaphragmes) ; cela entraîne des différences de distance focale selon le plan passant par l’axe optique. La correction de l’astigmatisme est possible par superposition d’un champ à symétrie elliptique, à intensité et direction réglables. On sait maintenant réaliser et introduire à l’intérieur de la lentille objectif des correcteurs d’astigmatisme. Le principe en est simple : créer au moyen de petites bobines un champ équivalent à une faible lentille cylindrique de convergence et de distribution azimutale réglables de façon à compenser les défauts de la lentille principale. A la suite des travaux de François Bertein (1947), un élève de P. Grivet, un dispositif corrigeant l’astigmatisme des objectifs fut conçu et breveté (1948). Aux Etats-Unis, James Hillier conçut un stigmateur mécanique à vis qui équipa le microscope électronique à haute résolution de RCA.

L’aberration chromatique est due au fait que la distance focale d’une lentille électronique est proportionnelle à l’énergie des électrons incidents. Tout écart à la monochromaticité du faisceau d’électrons donne d’une image ponctuelle un disque. Le rayon de ce disque définit l’aberration chromatique. Ce défaut est corrigé par l’incorporation d’un dispositif de filtrage des électrons transmis. Les aberrations appelées distorsions sont caractérisées par le déplacement d’un point de l’image par rapport à sa position théorique, déplacement qui est fonction de la distance à l’axe optique. On distingue les distorsions par déplacement radial (distorsion en barillet ou en croissant) et les distorsions par déplacement tangentiel, l’angle de rotation de l’image variant avec la distance à l’axe optique. Les autres aberrations : de coma, de courbure de champ, de distorsion, n’interviennent qu’au second ordre, ou pour les lentilles de projection. Par contre, on peut aussi classer parmi les aberrations ou défauts de la lentille, même si cette dernière est parfaite, l’erreur de mise au point, ou défocalisation.

Techniques annexes

A Bruxelles, Marton avait envisagé d’examiner du matériel biologique au microscope électronique en transmission. La première micrographie électronique d’une cellule fut réalisée en 1944 dans le département de James Murphy, au Rockefeller Institute for Medical Research, par Albert Claude et Keith Porter. Il s’agissait d’un fibroblaste simplement étalé sur une grille métallique. Seules les parties périphériques les moins épaisses donnaient une image interprétable de l’intérieur de la cellule. Il était évident qu’il fallait inventer de nouvelles méthodes de préparation des échantillons pour un instrument qui opère sous vide. Les coupes de tissus utilisées en microscopie photonique ont une épaisseur de l’ordre du micromètre ; pour la microscopie électronique en transmission, l’échantillon à observer doit avoir moins de 100 nanomètres d’épaisseur : de l’ordre de la dizaine de nanomètres, généralement 20 nanomètres. Fritiof S. Sjöstrand (Karolinska Institutet) utilisa une laborieuse technique de recoupe de préparations de fibres musculaires. Par la suite, il modifia le microtome commercialisé par la firme Spencer Lens Co pour en améliorer les performances. Des microtomes furent construits par H.C. O’Brien et G.M. McKinley, par Ernest F. Fullam et A. E. Gessler (1946), par Keith Porter et Joseph Blum (1953). Cet instrument sorti du Rockefeller Instrument shop fut adopté dans la plupart des laboratoires de microscopie.

Lorsque les problèmes de fixation, coupe et coloration des tissus furent résolus (voir le paragraphe « Lace-like Reticulum » dans le chapitre « Small Granules »), le microscope électronique, grâce à son pouvoir de résolution (rapport de grossissement utile de 50.000 fois), se révéla comme un incomparable outil de découvertes : structure fine des mitochondries et du complexe de Golgi, vésicules microsomiales, ribosomes… Les relations entre structure et fonction devinrent un thème de recherche prioritaire, combinant fractionnement subcellulaire, analyse biochimique et microscopie électronique. Ainsi furent établies (ou redécouvertes) les fonctions du noyau (expression du patrimoine génétique dans le noyau), des mitochondries (oxydations cellulaires et production d’énergie), des chloroplastes (photosynthèse et photorespiration), des ribosomes (synthèse protéique ), du reticulum endoplasmique (synthèse des protéines, des glycoprotéines et des lipides), du complexe de Golgi (maturation et tri des glycoprotéines), des lysosomes (digestion cellulaire), des peroxysomes (oxydation et catabolisme des acides gras)… La biologie cellulaire devint indépendante de la cytologie et de la biochimie. En 1960, un groupe de biologistes, sous la houlette de Keith Porter, fondèrent l’American Society for Cell Biology. Au cours de la première réunion scientifique, qui se déroula à Chicago en novembre 1961, Don W. Fawcett en devint le premier président. A l’initiative de Detlev Bronk, directeur du Rockefeller Institute, le véhicule d’expression de la société fut The Journal of Biophysical and Biochemical Cytology, dont le premier numéro avait paru en 1955 et qui fut rebaptisée, en 1962, The Journal of Cell Biology. A la demande de George Palade et de Keith Porter, une attention particulière avait été apportée à la qualité de reproduction des micrographies.

Microscope électronique à balayage

En 1930, Max Knoll et le physicien autodidacte Manfred von Ardenne, furent les premiers à percevoir les possibilités ouvertes par une optique quantique basée sur l’onde de de Broglie. Ne disposant pas d’instruments de détection adéquats, ils ne purent mener à terme la construction d’un microscope électronique. Après la mise au point du prototype de Ruska, Knoll montra, en 1935, qu’en faisant varier le courant alimentant les bobines électrostatiques faisant office de lentille on fait varier la focalisation des électrons ; on obtient alors un faisceau d’électrons qui, au lieu de traverser l’échantillon, en balaye la surface. Manfred von Ardenne appliqua cette découverte au microscope électronique. En 1937 et 1938, dans son laboratoire privé de Berlin-Lichterfelde (Forschungslaboratorium für Elektronenphysik), il installa des bobines à balayage dans un microscope. Ce fut le premier microscope électronique à balayage en transmission (Scanning Transmission Electron Microscopy, à ne pas confondre avec le microscope électronique à balayage).

Aux Etats-Unis, Vladimir K. Zworykin, J. Hillier et R.L. Snyder construisirent en 1942 un microscope électronique à balayage, équippé de lentilles électrostatiques, et atteignant une résolution de 50 nanomètres sous un potentiel de 10.000 électrons-volts. Dans les années 1960, Dennis McMullen, dans le groupe de Charles Oatley (Cambridge University) mit au point un prototype de microscope électronique à balayage (Scanning electron microscope) reproduisant l’effet de relief caractéristique des instruments modernes. Sans entrer dans les détails techniques, l’échantillon à examiner est balayé de manière séquentielle, ligne par ligne, par un mince faisceau d’électrons primaires ; leur intéraction avec l’objet donne naissance à différents types d’électrons parmi lesquels des électrons secondaires de très faible énergie, peu pénétrants, émis par la surface (ou par une fine couche) de l’objet. Les électrons sont captés par le détecteur mis au point en 1960 par Thomas E. Everahrt (un élève de Charles Oatley à Cambridge University) et Richard F.M. Thornley ; l’image des contours de l’échantillon, en nuances de gris, est observée sur l’écran d’un moniteur ou photographiée sur un écran à haute résolution. La microscopie électronique à balayage permet d’obtenir des images à grande profondeur de champ. En biologie cellulaire, elle révéla l’aspect extérieur des organites et des bi-couches phospholipidiques membranaires.

Microscope à fluorescence (en épifluorescence)

Le phénomène de fluorescence est connu depuis le XVIIe siècle. Le principe en est simple : lorsqu’une molécule absorbe un photon de longueur d’onde appropriée, elle passe en un temps très bref (de l’ordre du millionième de nanoseconde, 10-15 seconde) de l’état électronique fondamental à un « état excité » hautement instable, avant de retomber à l’état fondamental en marquant préalablement un arrêt à un autre état excité, pendant un temps de l’ordre de la nanoseconde. Selon les cas, différents phénomènes accompagnent le retour à l’état fondamental. Dans le cas de la fluorescence, il y a émission rapide d’un photon d’énergie moins élevée (donc de longueur d’onde plus grande) que celle du photon absorbé. Ce décalage est appelé « déplacement de Stockes », du nom du physicien George G. Stockes qui l’a décrit en 1852. L’observation d’un échantillon fluorescent est d’autant plus facile que la différence entre les deux longueurs d’onde (le déplacement de Stockes) est grande. En disposant d’un instrument approprié (un spectrofluorimètre, par exemple), il est possible de distinguer la lumière incidente de la lumière fluorescente réémise. Lorsque la molécule est détectable, on la qualifie de fluorescente. Bien qu’il soit impossible de prédire à partir de la seule formule chimique si une molécule sera ou non fluorescente, on constate que les « fluorophores » ou « fluorochromes » contiennent souvent des cycles aromatiques avec doubles liaisons conjuguées. Très peu de molécules – et très peu de molécules biologiques – présentent une fluorescence primaire, c’est-à-dire sont spontanément fluorescentes. J’envisagerai, dans le paragraphe suivant, le cas des protéines vertes fluorescentes (Green Fluorescent Proteins).

A ses débuts, le succès de la microscopie à fluorescence s’explique par le coût relativement peu élevé de l’appareillage par rapport à celui d’un microscope électronique (sans avoir exactement la même utilité). Il suffit de disposer d’un microscope optique équipé d’un dispositif sélectionnant les longueurs d’onde des lumières incidente et réémise. Ce n’est plus le cas avec les microscopes à fluorescence de nouvelle génération (Laser Scanning Confocal Miscrocopy, Photo-Activated Localization Microscopy, Stochastic Reconstruction Microscopy), compte tenu de l’équipement d’imagerie de fluorescence qui les accompagne. Les nouveaux instruments permettent de suivre la dynamique au sein des cellules des compartiments membranaires et des macromolécules biologiques. On est loin de la simple localisation des ions (Ca2+, H+) ou des protéines des débuts de la microscopie à fluorescence (ou en épifluorescence). La limite de résolution des premiers instruments était faible : environ 200 nanomètres. Les images manquaient de netteté et de résolution : les coupes de tissus ayant une épaisseur finie, un point fluorescent est entouré d’autres points fluorescents situés au-dessus, au-dessous et sur les côtés ; les images étaient brouillées par une fluorescence diffuse. Pendant plus d’un demi-siècle, ingénieurs et techniciens cherchèrent à éliminer ce problème. En 1953, Marvin Mirsky (Massachusetts Institute of Technology) eut l’idée de coupler microscopie à fluorescence et technique confocale de façon à examiner un spécimen découpé en fines tranches virtuelles. Seule une zone ponctuelle de l’échantillon doit être illuminée par le rayonnement laser incident. Celui-ci est « filtré » à travers un orifice de très petit diamètre, de même que la lumière d’émission. Ce dispositif permet d’éliminer la plus grande partie du rayonnement parasite – le bruit de fond – ; la netteté des images s’en trouve améliorée. Le microscope confocal à fluorescence fut commercialisé à la fin des années 1950. Dans sa version améliorée, il était complété par un système de balayage de l’échantillon par laser (Laser Scanning Confocal Miscrocopy). L’observation oculaire était remplacée par une caméra.

Comme je l’ai évoqué plus haut, les constituants cellulaires ne sont pas spontanément fluorescents (fluorescence primaire) à quelques exceptions près : la chlorophylle, présente dans les chloroplastes des cellules végétales, émet une fluorescence rouge. Au début des années 1960, Osamu Shimomura (Princeton University) découvrit la protéine verte fluorescente (Green Fluorescent Protein) en isolant la photoprotéine « aequorine », du système luminescent des cellules de méduse Aequoria victoria. En 1994, Martin Chalfie (Columbia University) montra que cette protéine fluorescente peut être exprimée dans les cellules procaryotes (Escherichia Coli) et eucaryotes (Caenorhabditis elegans) ouvrant ainsi la voie à son utilisation en biologie. Roger Tsien (Howard Hughes Medical Institute, University of California, San Diego) construisit par ingénierie génétique des protéines modifiées émettant après excitation une lumière jaune, bleue ou violette, ce qui élargit le spectre de longueurs d’onde d’émission utilisables. Les protéines fluorescentes sont généralement fusionnées par couplage à une protéine cellulaire dont on veut établir la localisation ou suivre les déplacements au sein de la cellule. On peut aussi obtenir des souris transgéniques dont les cellules synthétisent la protéine verte fluorescente. L’emploi sous toutes leurs formes des protéines fluorescentes est à l’origine du développement de l’imagerie moléculaire (imagerie de fluorescence) ; cette discipline, à la croisée de la biologie moléculaire et de la biologie cellulaire, offre une approche non-invasive : la protéine dont on veut observer le comportement est produite par les cellules elles-mêmes. Son émergence a été grandement facilitée par des progrès technologiques (i) dans les systèmes de détection (capteur photographique avec dispositif à transfert de charge : Charge-Coupled Device Camera) ; le rayonnement émis par l’objet fluorescent est transformé en signal électrique qui est à son tour transformé en image ; (ii) de tomographie (reconstitution tridimensionnelle d’un objet analysé tranche par tranche) ; (iii) de traitement informatique des images. C’est le moyen le plus élégant que l’on ait trouvé pour observer in vivo le fonctionnement de la cellule. Shimomura, Tsien et Chalfie reçurent le prix Nobel de chimie en 2008.

Références : Chalfie M, Tu Y, Euskirchen G, Ward WW, Prasher DC Green fluorescent protein as a marker for gene expression (1994)
Heim R, Tsien RY Engineering green fluorescent protein for improved brightness, longer wavelengths and fluorescence resonance energy transfer (1996)

La microscopie à fluorescence fait un large usage de fluorochromes issus de la synthèse chimique (fluorescence secondaire). L’industrie en a produit une vaste gamme, excitables à différentes longueurs d’onde. On les utilise après couplage, généralement à un anticorps dressé contre un constituant cellulaire. Une exception : le diamidino phénylindole (DAPI) est directement utilisable ; il se lie à l’ADN bicaténaire, marquant ainsi le noyau cellulaire qui émet une fluorescence bleue. Le fura-2 (acide amino-polycarboxylique) fixe spécifiquement les ions Ca2+ présents dans certains compartiments cellulaires en émettant une fluorescence variant du vert au jaune. L’un des fluorochromes les plus anciennement utilisés est la fluorescéine : stimulée par une lumière incidente bleue (longueur d’onde : 450-490 nanomètres), elle émet une fluorescence verte (longueur d’onde de la lumière d’émission : 520-560 nanomètres). La rhodamine B émet une fluorescence rouge après excitation par une lumière jaune vert. En 1982, Roger Tsien a synthétisé un dérivé de la fluorescéine, le BCECF et son ester BCECF-AM capable de franchir la barrière membranaire entourant les cellules. Le BCECF est utilisé sans couplage pour mesurer le pH intracellulaire ou la concentration en ion K+. Le SNARF-1, un autre réactif employé pour la mesure du pH intracellulaire, réagit à la concentration en ions H+.

Pour le couplage des fluorochromes, les anticorps monoclonaux ont avantageusement remplacé les anticorps polyclonaux des débuts. Ces derniers reconnaissent plusieurs déterminants de l’antigène ; les anticorps monoclonaux sont spécifiques d’un seul déterminant. Les anticorps plolyclonaux sont obtenus par une série d’injections d’un antigène (une protéine) à un lapin. Le sérum de lapin recueilli constitue la source d’anticorps. La production d’un anticorps monoclonal commence de la même façon par l’injection d’un antigène à des animaux de laboratoires (le plus souvent des souris). Après prélèvement de la rate, les cellules sont libérées, triées et testées ; celles qui produisent et secrètent l’anticorps (plasmocytes) sont sélectionnées. Les plasmocytes sont « immortalisés » en les fusionnant avec des cellules de myélome qui ont la capacité de se multiplier indéfiniment aussi longtemps que le milieu de culture est renouvelé. Cette technique, dite des hybridomes, fut mise au point à la fin des années 1970 par César Milstein (Department of Biochemistry, University of Cambridge) et un étudiant post-doctoral, Georges J.F. Köhler. Elle permet de produire de grandes quantités d’anticorps monoclonaux (une révolution en immunologie). César Milstein, Georges Köhler et l’immunologiste Niels K. Jerne partagèrent en 1984 le prix Nobel de physiologie ou médecine. En pratique, l’anticorps monoclonal couplé à un marqueur fluorescent n’est pas utilisé directement. Pour avoir des signaux d’intensité suffisante et obtenir une sensibilité élevée on laisse l’anticorps monoclonal réagir avec la cible puis on ajoute un anticorps secondaire dirigé contre l’anticorps monoclonal et lié à un marqueur fluorescent. Dans certains cas, on utilise le couplage à un enzyme (immunocytochimie indirecte).

Dans la technique d’hybridation in situ en fluorescence (Fluorescence In Situ Hybridation, FISH), on met en œuvre une sonde marquée avec un fluorochrome. La sonde est hybridée avec de l’ADN chromosomique ou de l’ARN ou une protéine. Avec cette approche on visualise les molécules cibles au sein des cellules. Les techniques d’immunofluorescence ont été transposées à la microscopie électronique en remplaçant les fluorochromes par un réactif opaque aux électrons comme les particules d’or colloïdal. Les molécules fluorescentes fixées sur leur cible cellulaire apparaissent brillantes sur un fond sombre. On est allé plus loin en transformant des molécules cellulaires en molécules fluorescentes par activation au laser à haute fréquence. Leur fluorescence est observable après excitation à une fréquence moins élevée. Il existe ainsi une protéine verte fluorescente photo-activable (Photoactivatable Green Fluorescent Protein) et des colorants photo-activables. Pour améliorer la résolution et n’observer qu’un nombre limité de molécules à la fois, le champ est régulièrement « nettoyé » par « blanchiment ». Cette technique (Photoactivated Localization Microscopy), élaborée en 2006 par Samuel T. Hess, Thanu P.K. Girirajan et Michael D. Mason, rend possible l’étude de la localisation et de la distribution spatiale de protéines à l’échelle du nanomètre.


Ultracentrifugeuse

Isoler les organites de la cellule

«… the use of the microscope, alone or in conjunction with ingenious techniques of fixation, staining, or microdissection, has repeatedly failed in answering two of the major queries of modern cytology ; namely, what is the chemical nature of the diverse protoplasmic structures and what is the intracellular topography of biochemical function. »

Albert Claude

La citation en exergue résume parfaitement le problème auquel furent confrontés les biologistes au milieu du XXe siècle. Les microscopistes avaient découvert un certain nombre d’organites (noyau, mitochondries, complexe de Golgi) mais avant leur séparation du contexte cellulaire et l’analyse de leur composition biochimique, leur fonction dans la cellule resta mystérieuse. La mise à la disposition des scientifiques d’un nouvel instrument allait ouvrir un nouveau champ d’exploration de la cellule. Des particules soumises à une force se déplacent dans la direction de cette force à une vitesse qui, en première approximation, est proportionnelle à leur taille (à leur volume) : les grosses particules se déplacent plus vite que les petites. C’est sur ce principe qu’est basée la séparation des organites cellulaires ; il suffit de leur appliquer une force centrifuge dans un espace restreint. Les premières centrifugeuses étaient actionnées à la main. Une centrifugeuse de ce type fut utilisée par Friedrich Miescher en 1869 pour isoler les noyaux. Des centrifugeuses dites « préparatives », animées par des moteurs et non plus à la main, furent en usage à la fin des années 1920.

L’apparition de centrifugeuses tournant à haute vitesse, les ultracentrifugeuses, date des années 1930. Le physicien Emile J.C. Henriot (Université libre de Bruxelles) et le chimiste Theodor H.E. Svedberg (Uppsala Universitet, prix Nobel de chimie 1926), indépendamment l’un de l’autre, construisirent des ultracentrifugeuses dont la partie mobile (rotor) tournait à très grande vitesse. En 1925, le rotor horizontal de la centrifugeuse d’Emile Henriot et Eugène Huguenard (Laboratoire d’aviation de l’Ecole des hautes études, Bruxelles), mû par un jet d’air comprimé, pouvait tourner à 200.000 tours par minute et développer une force centrifuge de 400.000 g. Les champs centrifuges ainsi générés étaient suffisamment élevés pour déplacer des particules de la taille des protéines et des acides nucléiques. La firme Bardet de Paris construisit plusieurs exemplaires de la centrifugeuse d’Henriot-Huguenard, avec le soutien financier du Fonds National de la Recherche Scientifique belge.

Svedberg apporta une importante contribution dans le domaine des ultracentrifugeuses en abordant un faux problème. A la fin du XIXe siècle, et au début du XXe, circulait, surtout parmi les chimistes, la « théorie des colloïdes », encore appelée « théorie des agrégats » ou « théorie colloïdale du vivant ». Selon cette théorie, les substances se divisaient en « cristalloïdes » et « colloïdes ». Ces derniers étaient de masse élevée et non-dialysables car composées de « micelles » dont la cohésion était assurée par des liaisons différentes des liaisons covalentes, mais dont on ne connaissait pas la nature. L’état colloïdal était considéré comme une caractéristique de la matière vivante, en particulier du protoplasme. Toujours selon cette théorie, la masse d’une molécule ne pouvait pas dépasser une valeur d’environ 5.000. La formation d’entités de plus grande taille résultait de l’association d’unités de taille égale ou inférieure à 5.000. En 1920, le physico-chimiste Jacques E. Ducloux (Ecole normale supérieure) résuma ces conceptions en un Traité des colloïdes et en 1930, W. Kopaczewski publiait le Traité de biocolloïdologie en trois volumes.

Pour soumettre la théorie colloïdale du vivant à l’épreuve expérimentale, Svedberg centrifugea à très haute vitesse une solution contenant des protéines dans une cellule en quartz sertie dans le rotor de son ultracentrifugeuse. La cellule était traversée par un rayon lumineux ce qui permettait de suivre en continu le déplacement des particules dans le champ centrifuge (les acides aminés des protéines absorbent le rayonnement ultraviolet). La migration des protéines était enregistrée. Pour interpréter les résultats, Svedberg utilisa une équation permettant de calculer la masse d’une particule à partir de sa vitesse de migration (il avait préalablement effectué une étude théorique du déplacement d’une particule dans un champ centrifuge). Pour honorer l’œuvre du physico-chimiste suédois, son nom a été donné à une unité de temps : le Svedberg (S), utilisé pour définir des composants (ribosome 30S) et des constituants (ARN 5S) de la cellule. Un célèbre laboratoire de l’Université d’Uppsala porte le nom de « Svedberg Laboratory ».

Contrairement à ce que prédisait la théorie des colloïdes la masse moléculaire des protéines pouvait dépasser 5000. Le concept de « cristalloïde » fut aussi durement ébranlé que celui de colloïde lorsque James B. Sumner (prix Nobel de chimie en 1946) cristallisa l’uréase, en 1926. De 1930 à 1935, ce fut le tour des enzymes protéolytiques, parmi lesquels la pepsine (John H. Northrop et Moses Kunitz). Ce fut le chant du cygne de la théorie colloïdale du vivant au profit de la notion de « macromolécule », selon le terme introduit en 1922 par le chimiste Herman Staudinger.

Les ultracentrifugeuses du type de celle construite par Svedberg sont dites « analytiques » ; leur emploi est limité à l’analyse de faibles quantités de matériel biologique en solution. Le volume de la cellule insérée dans le rotor est restreint. Sous la pression de virologistes désireux d’obtenir des quantités suffisantes de virus (c’était l’époque de la préparation du vaccin contre la polyomyélite), un autre type de centrifugeuse vit le jour aux Etats-Unis : l’« ultracentrifugeuse préparative ». Jessie W. Beams (University of Virginia) et son élève Edward G. Pickels reprirent le concept du rotor horizontal d’Henriot ; ils le fixèrent sur un axe vertical dans une enceinte sous vide et l’équipèrent de tubes de grand volume. En 1943, Pickels commença la construction de sa centrifugeuse dans l’atelier du Rockefeller Institute for Medical Research, avec le soutien financier de la Rockefeller Foundation. L’enceinte contenant le rotor était réfrigérée (le matériel biologique s’altère rapidement à température ordinaire) et maintenue sous vide pour éviter l’échauffement du métal pendant la rotation. Pour la commercialisation, Pickels créa en 1949 la firme Spinco (SPecialized INstruments COrporation). La mise sur le marché de la « Spinco » ne suscita qu’un enthousiasme limité. L’entreprise frôla la faillite et fut rachetée en 1954 par Beckman Instruments.

Il fallut des années aux biologistes pour prendre conscience des possibilités offertes par l’ultracentrifugation préparative. Le déclic se produisit après la publication, en 1946, de l’article d’Albert Claude dans lequel il jetait les bases du fractionnement subcellulaire quantitatif. La méthode fut améliorée par ses élèves du Rockefeller Institute for Medical Research : Georges Hogeboom, Walter Schneider et George Palade. La méthode peut être résumée brièvement ainsi : un homogénat de tissus en suspension dans une solution de saccharose isotonique est soumis à une série de (3 ou 4) centrifugations différentielles à vitesse de rotation du rotor chaque fois plus élevée. Les plus gros organites, les noyaux, sédimentent à basse vitesse ; les plus petits organites, les microsomes, sédimentent lors de la dernière centrifugation à haute vitesse. Dans les années 1930, se développa une technique de séparation des organites basée non plus sur leur volume, mais sur leur densité d’équilibre dans un milieu de composition déterminée. Les premières expériences portèrent sur la séparation de mitochondries dans des solutions de solvants organiques. Par la suite, l’on utilisa des solutés comme le saccharose pour les organites subcellulaires ou le chlorure de césium pour les ribonucléoprotéines.

La commercialisation de rotors à godets basculants en 1953 favorisa la généralisation de l’usage de la centrifugation en gradient de densité. La construction de gradients linéaires de densité, une condition sine qua non du caractère analytique de la méthode, nécessita la construction de machines appropriées. Henri Beaufay et Jacques Berthet (Laboratoire de chimie physiologique, Université catholique de Louvain) construisirent une machine à cames délivrant un gradient de densité linéaire en fonction du volume et un sectionneur de tubes permettant le recueil des fractions. Dans les laboratoires ne possédant pas de machine à gradient (ou hésitant à les utiliser), on pratiqua la superposition de couches de densités décroissantes. Après diffusion du soluté pendant un temps plus ou moins long, un pseudo-gradient « en marches d’escalier » s’établit. Ce procédé est souvent générateur d’artefacts de séparation (voir Chapitre Small Granules).

Références : Kopaczewski W Théorie et pratique des colloïdes en biologie et en médecine (1923)
Claude A. Fractionation of mammalian liver cells by differential centrifugation (1946)